Les Grandes Lignes de

L'Économie islamique

 
Mohammad Bâqer al-Sadr

Édité et traduit par :

Abbas Ahmad al-Bostani


Éditeur

Abbas Ahmad al-Bostani

(La Cité du Savoir)

C.P. 712 Succ. (B)

Montréal, QC, H3B 3K3

Canada

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Site Web http://www.bostani.com

E-mail 1: abbas@bostani.com

E-mail 2: bostani5@yahoo.fr

E-mail 3: bostani5@hotmail.com

Première édition Février 2009
I.S.B.N. 978-2-922223-41-5
copyrights : Tous droits réservés à l'éditeur ci-dessus



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La Table des matières

LIVRE I
APERÇU DE
L'ÉCONOMIE ISLAMIQUE
9

L'ISLAM EST-IL UN MODE DE VIE? 11

La Khilâfah De L'homme 17

L'islam est immuable alors que la vie est évolutive 30

Les indications Générales 33

1- L'Orientations de la Législation 33

2- L'Objectif explicité d'un Statut constant 37

3- Les Valeurs sociales dont l'Islam a souligné l'importance 39

4- L'Orientation des Éléments mobiles par le Prophète ou le Tuteur (Waçî) 40

5- Les Objectifs définis au Gouverneur (wali al-amr) 45

LIVRE II
LIGNES DÉTAILLÉES
DE L'ÉCONOMIE
DE LA SOCIÉTÉ ISLAMIQUE
51

Quels sont les éléments de la forme intégrale ? 60

EXPRESSIONS GÉNÉRALES . . . . . . . . . . . . . . . . . .69

LES ASPECTS GÉNÉRAUX de la forme intégrale de l'économie de la Société islamique 73

PREMIÈRE PARTIE

LA DISTRIBUTION PRIMAIRE DES SOURCES DE LA RICHESSE NATURELLE 74

1- Les Sources de la Richesse naturelle 77

2- Les Biens Mobiliers 84

DEUXIÈME PARTIE

LA PRODUCTION ET LE MODE DE DISTRIBUTION DE SES PRODUITS 87

1- La Production et son importance dans l'Économie islamique 87

2- La Production primaire et la Mode de Distribution de ses Produits 91

3- La Production secondaire et son Mode de Répartition 96

TROISIÈME PARTIE

L'ÉCHANGE ET LA CONSOMMATION
(ou LA GESTION DES BIENS)
106

1- L'Échange 106

2- La Dépense des Biens 112

QUATRIÈME PARTIE

LES RESPONSABILITÉS GÉNÉRALES DE L'ÉTAT 116

TERMES TECHNIQUES ISLAMIQUES 127

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AVANT-PROPOS

Louange à Dieu, Maître des mondes. Bénédiction et salut au Seigneur de Sa créature - Mohammad - et aux Dirigeants bienfaiteurs parmi les purifiés membres de sa famille.

J'éprouve une grande fierté en m'adressant au peuple musulman iranien qui a écrit de nouveau par la lutte missionnaire (jihad), avec son sang et son héroïsme unique en son genre, l'histoire de l'Islam et offert au monde une incarnation des premiers jours de l'Islam, riches en épopées de courage et de foi.

Mon sentiment gagne en profondeur lorsque je constate que ce peuple aborde une phase qui constitue un tournant non seulement de son histoire, mais de la vie de l'Umma(1) islamique tout entier, moment où ce peuple militant musulman se dresse pour dire son mot sur la République islamique que lui propose le Guide de l'Umma, l'imam Khomeyni, pour confirmer, en votant pour cet Etat, sa foi en l'Islam, après avoir affirmé cette foi par les sacrifices qu'il a consentis et par les différentes formes de générosité et de militantisme islamique dont il a fait preuve, et enfin pour commencer - en disant oui à la République islamique - une nouvelle phase dans la vie des musulmans, qui les ramène des ténèbres de l'ignorance à la lumière de l'unicité, des différentes formes de l'exploitation de l'homme par l'homme, à la servitude sincère envers Dieu, laquelle constitue la base réelle de la liberté, de la justice et de l'égalité.

En lançant le slogan de «la République islamique», l'imam Khomeyni ne fait que continuer l'Appel des Prophètes, prolonger le rôle de Mohammad et de 'Alî, instaurer le régime de Dieu sur terre, et exprimer sincèrement la conscience profonde de cette Umma qui n'avait connu la gloire que sous l'Islam, et n'avait vécu dans l'humiliation, la faiblesse, la misère, la privation et la dépendance des colonialistes incrédules que lorsqu'elle s'est écartée de l'Islam et a abandonné son grand message dans la vie.

La législation islamique n'est pas une partie d'une alternative, mais la seule alternative. Car elle est le Jugement de Dieu, Sa juridiction sur la Terre, et Sa législation irremplaçable:

«Lorsque Dieu et Son Prophète ont pris une décision, il ne convient ni à un croyant, ni une croyante de maintenir son choix sur cette affaire» (Coran, 33: 36).

Mais l'imam Komeyni a voulu que le peuple musulman iranien confirme de nouveau son choix, sa volonté et sa capacité d'assumer la responsabilité de ce grand «dépôt» avec conscience et détermination. En choisissant la République islamique comme programme de vie et cadre de gouvernement, vous vous acquittez sans doute de l'une des plus grandes obligations divines et vous redonnez à la réalité de la vie, l'âme de l'expérience qu'a menée le plus grand Prophète et pour laquelle il a consacré toute sa vie, l'âme de la thèse pour laquelle l'Imam 'Alî a conduit le jihâd (la lutte missionnaire) et combattu les hérétiques, et enfin l'âme de la révolution pour laquelle l'Imam al-Hussayn a sacrifié jusqu'à la dernière goutte de son sang pur.

Par ce choix, louable, vous réalisez le grand objectif du sang versé, il y a treize siècles, sur la terre de Karbala.

Il est normal que l'Occident voit dans votre choix conscient de l'Islam comme programme de vie, un défi flagrant aux fondements de ses pensées et à l'idéologie de sa civilisation, comme il a trouvé que votre décision courageuse de détrôner le Chah et de mettre fin à son régime, un défi flagrant à ses intérêts politiques et à ses visées...

Ceci, parce que, pour l'homme européen ou américain, la civilisation européenne a pu, depuis bien longtemps, venir à bout de l'Islam et obliger les Musulmans, par voies militaires ou politiques, à lui substituer les modes de vie et les traditions de l'homme occidental. Et alors que l'aile occidentale de la civilisation européenne a déclaré que l'Europe ne s'était développée que lorsqu'elle avait séparé la religion et la vie, son aile orientale a prétendu que la religion est l'opium des peuples et que ceux-ci doivent abdiquer la religion pour pouvoir défendre la liberté.

Mais vous, vous êtes les mieux armés pour réfuter ces deux mensonges, parce que vous pouvez les contredire en vous appuyant sur la réalité de votre expérience. L'entrave à l'évolution et au vrai développement du peuple musulman iranien n'était autre que son écart de l'Islam et le fait de lui avoir imposé le régime du Chah ainsi que les idées et les valeurs jahilites(2) qu'il représentait, alors que l'énergie qui a poussé ce peuple à se révolter et détruire le Tyran (Taghout) n'était autre que cette religion islamique que vous allez choisir demain comme programme de vie et mode de construction.








LIVRE I

APERÇU DE

L'ÉCONOMIE ISLAMIQUE


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L'ISLAM EST-IL  UN MODE DE VIE?

Les intellectuels occidentaux et occidentalisés prétendent que l'Islam est une religion et non pas économie, un dogme et non pas un programme de vie, une relation entre l'homme et son Seigneur et ne saurait constituer la base d'une révolution sociale en Iran.

Mais il leur a échappé que l'Islam est une révolution dans laquelle la vie est indissociable de la foi, l'aspect social est inséparable du contenu spirituel. C'est pourquoi cette révolution est unique en son genre tout au long de l'histoire.

L'Unicité est l'essence de la foi islamique. C'est par elle que l'Islam libère l'homme de toute servitude autre que celle de Dieu: «Il n'y a de dieu que Dieu». Elle refuse toute forme de fausse divinité à travers l'histoire. Là, c'est la libération de l'homme de l'intérieur. Puis, l'Islam, conséquemment à cette libération, décide de libérer la richesse et l'univers de tout propriétaire autre que Dieu, et là, c'est la libération de l'homme de l'extérieur. L'Imam 'Alî relie, l'une à l'autre, ces deux vérités, lorsqu'il a dit: «Les Serviteurs sont les serviteurs de Dieu et les Biens sont les biens de Dieu».

De cette manière, l'Islam a détruit toutes les chaînes artificielles et toutes les barrières historiques qui entravaient la progression et la marche hâtive de l'homme dans le chemin de son Seigneur qu'il s'agisse des chaînes et des barrières incarnées par la fausse divinité, les appréhensions et les forces légendaires qui amoindrissent l'humanité, ou de celles, présentées sous formes de royautés, qui consacrent la souveraineté de tyran - individu, oligarchie ou classe - sur la terre au détriment des peuples et qui empêchent le développement naturel de ceux-ci et leur imposent des rapports de dépendance et de servitude.

De là, l'Islam, pour lequel tous les prophètes ont lutté, était une révolution sociale contre l'injustice, la tyrannie et contre toutes formes d'exploitation et de servitude.

De là, également, les prophètes qui portaient ce flambeau, polarisaient toujours les damnés de la terre et les masses misérables qui étaient déchirés spirituellement par la fausse divinité, tiraillés intellectuellement par la «jahilyya» (obscurantisme, ignorance) et tombés en proie aux différentes formes d'exploitation et d'injustice sociale.

Notons cependant que la révolution des prophètes s'est distinguée qualitativement de toutes autres révolutions sociales à travers l'histoire, car elle a libéré l'homme de l'intérieur en même temps qu'elle a libéré l'univers de l'extérieur. Elle a appelé la première libération, le «jihâd majeur», la seconde le «jihâd mineur», celui-ci ne pouvant réaliser son grand objectif que dans le cadre de celui-là.

Il s'en est suivi que:

1- Cette révolution n'a pas remplacé l'ancien exploiteur par un nouvel exploiteur, ni n'a substitué une forme de tyrannie à une autre tyrannie, car en même temps qu'elle a libéré l'homme de l'exploitation, elle l'a libéré de l'intérieur, des sources de l'exploitation qui sont en lui, et cela en modifiant sa vision de l'univers et de la vie. Dieu a dit:

«Nous avons voulu combler de nos faveurs ceux qui sont opprimés sur terre; nous avons voulu les rétablir comme chefs de la communauté et comme héritiers». (Coran, S28 :v5).

Remarquons bien comment les deux actions révolutionnaires sont menées côte à côte: les opprimés deviennent à la fois les guides et les héritiers de la terre; c'est dire qu'en même temps qu'ils sont rétablis à la place des exploiteurs et des profiteurs dont ils reprennent la charge des affaires, ils sont purifiés de l'intérieur et élevés au niveau de l'«exemple à suivre» et du «modèle de l'homme sublime». C'est pourquoi l'opération du remplacement révolutionnaire faite par les prophètes, ne sera pas identique à celle du remplacement du féodal par le capitaliste, du capitalise par le prolétaire. Autrement dit, il ne s'agit pas de changer les positions de l'exploitation mais d'extirper définitivement l'exploitation et toutes formes de l'injustice humaine.

Dans un autre texte, le noble Coran définit la qualité de ces opprimés que la révolution des prophètes propose pour le charger de la Khilâfah sur la terre. Dieu a dit, en effet:

«L'assistance est donnée à ceux qui, si nous leur accordons le pouvoir sur la terre, s'acquittent de la prière, font l'aumône, ordonnent ce qui est convenable et interdisent ce qui est blâmable. La fin de toute chose appartient à Dieu». (Coran, 22 : 41).

2- La lutte des prophètes contre l'injustice et l'exploitation n'a pas pris un caractère de lutte des classes, comme c'était le cas dans beaucoup de révolutions sociales, car elle était une révolution humaine qui avait pour but, avant tout, de libérer l'homme de l'intérieur. L'aspect révolutionnaire social de cette lutte n'était qu'une super-structure de cette révolution. C'est pourquoi notre Grand Prophète avait appelé la révolution de libération de l'intérieur: le «jihâd majeur», et celle de l'extérieur: le «jihâd mineur», comme nous l'avons indiqué plus haut.

L'Islam a pu, par le processus de libération de l'intérieur ainsi que par la réalisation des exigences du jihâd mineur, exalter chez les âmes pieuses de différentes couches sociales des communautés jahilites, toutes les potentialités de «Bien» et de la «Générosité», et y faire exploser toutes les énergies créatrices. Il s'en est suivi que le riche s'est mis aux côtés du pauvre sur la ligne d'affrontement avec l'injustice et la tyrannie. L'exploiteur de la veille s'est mélangé le lendemain à l'exploité, dans un même cadre révolutionnaire, après avoir assimilé les hautes valeurs de jihâd majeur.

Le révolutionnaire qui suit la ligne des prophètes n'est pas cet exploité qui croit que l'homme puise sa valeur dans l'appropriation des moyens de production et de sa puissance sur la terre, et qui s'efforce par conséquent d'arracher cette valeur aux mains de ses exploiteurs et de la faire sienne, sachant que c'est son appartenance à une classe - celle de exploiteurs ou celle des exploités - qui détermine sa position dans la lutte sociale. Le révolutionnaire qui suit la ligne des prophètes, c'est celui qui croit que l'homme puise sa valeur dans ses efforts soutenus en vue de s'approcher de Dieu, et dans son assimilation de toutes les valeurs humaines que revêtent ces efforts, et livre un combat acharné contre l'exploitation qu'il considère comme une dilapidation de ces valeurs et une déviation de l'humanité de son acheminement vers Dieu et de la réalisation de ses grands objectifs en la distrayant par l'enrichissement et la thésaurisation. Ce qui détermine cette position au révolutionnaire qui suit la ligne des prophètes, c'est son degré de succès dans le jihâd majeur et non pas sa situation sociale ni la classe sociale à laquelle il appartient.

La Khilâfah(3) De L'homme

Après avoir établi le principe de la propriété divine, l'Islam a attribué à l'homme le rôle de mandataire accrédité par Dieu(4) pour gérer les sources de la richesse dans l'univers, conformément à l'esprit général de ce principe:

«... donnez en aumône une portion des biens dont Dieu vous accordera l'héritage». (Coran, 57 : 7).

«Donnez-leur quelque peu de ces biens que Dieu vous a accordés». (Coran, 24 : 33).

Le processeur de la Khilâfah (Mandat divin) comporte deux phases:

La Première phase: la Khilâfah (Mandat divin) donnée à la communauté humaine intègre en tant qu'un tout. Dieu dit à cet égard:

«Ne confiez pas aux insensés les biens que Dieu vous a donnés pour vous permettre de subsister». (Coran, 4 : 5).

Ce noble texte parle des biens des ineptes; il interdit à la Communauté d'en laisser la charge à leurs propriétaires et lui demande de les garder pour elle-même, et ce afin d'indiquer que tous les biens de ce monde sont accordés (par Dieu) pour pourvoir aux besoins de la vie de l'ensemble de la communauté humaine et pour permettre à celle-ci de continuer une vie digne et de réaliser les objectifs divins du mandat de l'homme sur la terre. Or, les ineptes n'étant pas qualifiés pour réaliser ses objectifs, Dieu a interdit à la Communauté de leur laisser les mains libres dans leurs biens.

D'un autre côté, on s'aperçoit que le Coran et la jurisprudence islamique (fiqh) appellent «fay'»(5) toutes les richesses naturelles des infidèles qui tombent entre les mains de la Communauté musulmane, et les considèrent comme une propriété publique. Le mot «fay'» signifie le retour à l'origine, ce qui veut dire que ces richesses appartiennent originellement à la Communauté et que Dieu en a confié la gérance à celle-ci.

C'est pourquoi, la Communauté en tant qu'un tout, du fait de ce Khilâfa, est responsable devant Dieu. Cette responsabilité est définie par ce noble verset:

«C'est Dieu qui a créé les cieux et la terre; Il fait descendre l'eau du ciel, par elle, Il fait germer les fruits qui vous nourrissent; Il vous a soumis les vaisseaux qui fendent la mer par Son ordre; Il a soumis les fleuves pour votre utilité; Il a soumis le soleil et la lune, poursuivant leur course dans leurs ornières. Il fait servir le jour et la nuit à vos besoins. Il vous a donné tous les biens que vous lui avez demandés. Comptez les Bienfaits de Dieu si vous le pouvez! Mais l'homme est injuste et ingrat». (Coran, 14 : 32-34).

Ce noble texte coranique, après avoir passé en revue les richesses de l'univers, ses énergies et ses bienfaits confiés par Dieu aux soins de l'homme, fait allusion à deux sortes de déviation: l'injustice et l'ingratitude vis-à-vis du bienfait de Dieu. L'injustice signifie la mauvaise répartition des bienfaits entre les individus ou leur distribution d'une façon inégale entre eux; il s'agit d'une injustice pratiquée par une partie de la communauté sur l'autre. Quant à l'ingratitude vis-à-vis des bienfaits, elle signifie la négligence de la Communauté d'exploiter les énergies et les divers bienfaits de l'univers que Dieu lui avait accordés, c'est dire l'interruption de la créativité, laquelle constitue en même temps l'arrêt de la marche vers l'Absolu, vers Dieu. Et c'est l'injustice de la Communauté elle-même. Le texte définit, en même temps, deux responsabilités à la Communauté devant Dieu, le Dispensateur de ces biens:

1) Justice dans la répartition de la richesse: c'est dire que la Communauté doit veiller à ce que la richesse qui lui est confiée soit gérée conformément aux principes de son Mandat (Khilâfah) général et à son droit - en tant qu'un tout - sur ce que Dieu a accordé.

2) Justice dans la protection et le développement de la richesse: elle doit déployer toutes ses énergies pour exploiter l'univers, reconstruire la terre et rendre les bienfaits disponibles.

La deuxième phase: c'est la Khilâfah des individus, laquelle prend, sur le plan de la jurisprudence et du droit, la forme de la propriété privée.

La «Khilâfah» signifie, ici, un Mandat que la Communauté donne à l'individu. C'est pourquoi, le verset coranique mentionné plus haut a confié les biens des individus à la Communauté, ce qui veut dire que toute propriété privée qui s'oppose à la Khilâfah de la Communauté et à son droit (en tant que tout) sur la richesse, est abolie. Et étant donné que la propriété privée est un simple acte de délégation (istikhlâf) accordé par la Communauté à l'individu, il est naturel que l'individu soit responsable devant la Communauté, et qu'il gère ses biens conformément à ses responsabilités devant Dieu et aux exigences de sa «Khilâfah» générale. Il est aussi naturel que le représentant légal de la Communauté retire à l'individu sa propriété, si celui-ci la gère mal ou que sa gestion est de nature à porter atteinte aux intérêts d'autrui et de la Communauté; c'est ce qu'a fait le Prophète (P), avec Samra ibn Jandab.

En effet, selon plusieurs récits, ce dernier possédait un dattier au fond de la maison d'un «Partisan» (Ançâr)(6). Chaque fois qu'il voulait se rendre auprès de ce dattier, il entrait dans la maison du «Partisan» sans lui demander la permission. Le «Partisan», excédé, lui dit un jour:

- «Samra! Tu continues à entrer chez nous à l'improviste et à nous surprendre. Nous n'aimerons pas être surpris de la sorte! Quand tu veux entrer chez nous, tu devrais nous en demander la permission!»

- «Je ne demande pas la permission d'emprunter une voie qui conduit à mon dattier», répondit-il.

Le «Partisan» porta plainte auprès du Prophète, lequel convoqua Samra, lui fit part de la plainte du «Partisan» et lui ordonna de demander la permission avant d'entrer.

- «Demander la permission de prendre mon chemin vers mon dattier!», s'étonna-t-il.

- «Abandonne ton dattier. On vous en donne un autre ailleurs», lui dit le Prophète.

- «Non», dit Samra.

Le Prophète lui dit alors:

- «Tu es un homme nuisible. On ne doit pas nuire à un fidèle».

Et il ordonna à ce qu'on arrache le dattier et qu'on le lui jette devant sa porte.

Rappelons, ici, que la justice sur laquelle se sont fondées les responsabilités de la Communauté selon le principe de la Khilâfah générale, est la face sociale de la justice divine dont se sont réclamés les prophètes et que le Message divin a considérée comme deuxième «fondement» de l'Islam, juste après celui de l'Unicité.

Cette attention particulière apportée à la justice divine qui se distingue, en tant que fondement indépendant de la religion, des autres attributs de Dieu telles: la Science, la Puissance, l'Ouïe, la Vue, etc., ne s'explique que par de la révolution sociale et son lien profond avec l'essence de la révolution que mènent les prophètes sur le plan de la réalité. Si l'Unicité signifie socialement que le propriétaire est Dieu l'Unique qui ne doit être associé à aucune autre fausse divinité, la justice signifie que cet Unique Propriétaire, étant Juste, ne favorise pas un individu par rapport à un autre ni n'accorde un droit à une catégorie sociale au détriment d'une autre, mais accorde la Khilâfah à la Communauté saine - en tant qu'un tout - pour gérer les bienfaits et les richesses disponibles.

Les buts de la khilâfah(7) (Mandat)

En instituant le principe de la Khilâfah et en désignant la communauté humaine comme Khalîfah(8) sur terre, l'Islam détermine au Khilâfah ses nobles buts: et ce faisant, il provoque une grande révolution dans la conception et l'appréciation des grands objectifs, ce qui conduit à son tour un grand changement des moyens et méthodes révolutionnaires.

Pour pouvoir provoquer ce grand changement dans l'appréciation de la vie et la définition de ses buts, l'Islam était amené à concevoir la vie de façon appropriée aux buts qu'il veut se fixer et à créer l'ambiance psychologique qui permet à la société de la saine Khilâfah de se diriger vers ses buts et d'entreprendre leur réalisation. Mais quel changement l'Islam veut-il introduire, au niveau de la réalisation de ces buts?

Les sociétés jâhilites ne regardent la vie que du côté de sa tranche éphémère qui se termine par la mort, et ne réalisent leur «soi» et leur jouissance que par l'assouvissement des instincts et voluptés humains. Pour cela, elles font de l'argent en soi et de son accumulation ainsi que de la concurrence, le but naturel susceptible de garantir à l'homme la possibilité de remplir autant que possible sa vie et de la terminer quantitativement et qualitativement, c'est-à-dire de réaliser une pérennité relative et à la mesure des possibilités matérielles qu'offre la vie terrestre.

Cette conception de la vie et du rôle déterminant qu'y joue l'argent est la cause de tous les efforts que déploient les sociétés jâhilites(9) pour la croissance et l'enrichissement ainsi que de toutes sortes de contradictions et d'exploitations; étant donné qu'il y a trop de joueurs pour une table limitée et des cartes peu nombreuses, le plus chanceux y est forcément celui qui parvient à obtenir le plus grand nombre de ces cartes, même au détriment des autres!

Pour débarrasser l'homme de cette conception et lui en extirper les racines psychologiques, l'Islam a refusé de considérer l'argent, son accumulation et son accroissement, comme un but en soi. Il lui a dénié tout pouvoir d'assurer à l'homme la pérennité et de lui accorder une existence réelle plus large:

«Malheur au calomniateur acerbe qui amasse les richesses et les garde pour l'avenir. Il s'imagine que ses trésors le feront vivre éternellement. Assurément, il sera précipité dans al-Hotama. Qui te dira ce qui c'est qu'al-Hotama? C'est le feu de Dieu, le feu allumé, qui dévore jusqu'aux entrailles». (Coran, 104 : 1-5).

«Le désir d'augmenter vos richesses vous préoccupe. Jusqu'au moment où vous descendez dans la tombe. Mais sous peu vous saurez! Mais oui, sous peu vous saurez! Ah! Si vous aviez la science certaine! Vous verrez l'enfer. Vous le verrez de vos propres yeux». (Coran, 102 : 1-7)

«Annonce un châtiment douloureux à ceux qui amassent l'or et l'argent, et ne le dépensent point dans le chemin de Dieu. Le jour où le feu de la géhenne sera allumé sur leurs têtes, des marques brûlant seront imprimées avec cet or et cet argent sur leurs fronts, sur leurs flancs et sur leurs reins; et on leur dira: voici ce que vous avez amassé». (Coran, 9 ; 34).

L'Islam ne s'est pas contenté de désapprouver les buts des jâhilites et leurs valeurs relatives à la vie, mais il a désigné le but qu'on doit poursuivre. Dieu a dit:

«Béni soit Celui dans la main de qui est l'Empire, et qui est Tout-Puissant. C'est Lui qui a créé la mort et la vie pour voir qui de vous agira le mieux. Il est Puissant et Miséricordieux». (Coran, 67 : 1).

Au lieu «du plus riche», et «de la richesse la plus pérenne», Dieu a proposé «la meilleur action» comme idéal suprême et objectif premier. Dieu a incité la communauté humaine que les prophètes avaient éduquée, à orienter sa compétition vers ce but et sa concurrence vers la bonne action:

«C'est pour cela que les gens fassent la concurrence». (Coran, 83 : 26)

Pour que ce nouveau but soit fondé sur une base «réaliste» et solide, l'Islam a présenté une nouvelle vision de la vie en la liant à un monde sensoriellement invisible. Au lieu de l'argent et de la fortune, il a mis l'accent sur la pérennité de l'action dans ce monde invisible, sur ses effets dans les profondeurs de l'âme de l'homme travailleur et sur sa cristallisation à la fin, de la façon dont sont organisées les actions dans le monde de la vérité. De la sorte, il a donné à l'homme le sentiment que sa pérennité et son éternité se réalisent par la bonne action et non pas par l'accumulation de la fortune ni par la thésaurisation de l'argent. Il lui a fait changer sa conception concernant l'investissement du travail dans le chemin de Dieu: au lieu de considérer cet investissement comme une dissipation de son existence et une aventure dans laquelle il risquerait son avenir et sa continuité - ou tout au moins comme un don sans contrepartie - il le conçoit comme une garantie de sa pérennité, comme un don qui sera compensé et comme un commerce susceptible de se développer et de l'enrichir spirituellement, et d'assurer son avenir:

«Tout ce que vous donnerez en aumône, Il (Dieu) vous le rendra». (Coran, 34 : 39)

«Celui qui se présentera avec une bonne action recevra en récompense dis fois autant». (Coran, 5 : 160)

«Si vous faites à Dieu un prêt généreux, Il vous paiera le double». (Coran, 64 : 17)

«Ceux qui dépensent leurs biens dans le chemin de Dieu sont semblables à un graine qui produit sept épis, et chaque épi contient cent grains. Dieu accorde le double à qui Il veut. Dieu est Présent partout et Il sait». (Coran, 2 : 261)

C'est là, la face sociale révolutionnaire de «Ma'âd» (la Résurrection), cinquième fondement de l'Islam. En effet, le Ma'âd joue au niveau de la révolution sociale des prophètes un rôle essentiel en sa qualité de fondement réaliste des objectifs et valeurs que l'homme sain, qui suit le modèle des prophètes, adopte dans la vie.

Sachant que le Prophète est le porteur de la révolution et son Messager envoyé par Dieu et que l'Imamat au sens de Tutelle est une transition à travers laquelle le ciel continue à patronner cette révolution jusqu'à ce que l'Umma se hisse au niveau de la maturité révolutionnaire requise, nous pouvons constater dès lors, très clairement, que les cinq fondements qui représentent, sur le plan doctrinal, l'essence de l'Islam et le contenu fondamental du Message céleste, représentent en même temps - par leurs aspects sociaux et sur le plan de la révolution sociale conduite par les prophètes - la vision intégrale des bases de cette révolution, et trace à la marche de l'humanité les aspect de sa «Khilâfa sur la Terre».

L'islam est immuable

alors que la vie est évolutive

Les sceptiques se demandent souvent comment on peut traiter les problèmes de la vie économique à la fin du XXe siècle sur la base de l'Islam, alors que les rapports sociaux et économique ont subi un tas de complications et de ramifications et alors que l'homme d'aujourd'hui doit faire face à autant de problèmes qui en résultent?

La réponse en est simple: l'Islam est capable de conduire et d'organiser la vie dans ses cadres toujours vivants, car son économie est représentée par un ensemble de statuts qui régissent la richesse. Ces statuts comprennent deux catégories d'éléments:

1- Les éléments constants, relatifs à la vie économique et qui sont mentionnés explicitement dans le Coran et la Sunna.

2- Les éléments flexibles et mobiles qui sont puisés - à la lumière de la nature de la phase de chaque conjoncture - dans les indications islamiques générales qui entrent dans le cadre des éléments constants.

Il y a donc les éléments constants des indications auxquelles on recourt pour déterminer les éléments flexibles mobiles susceptibles de s'approprier aux exigences de la nature d'une conjoncture donnée.

L'Économie islamique - ou en d'autres termes, l'économe de la société islamique - ne prend sa forme complète que par la fusion des éléments mobiles et des éléments constants dans une structure unique dotée d'un esprit unique et animé par des objectifs communs.

L'opération de déduction des éléments mobiles à partir des indications islamiques générales nécessite ce qui suit:

1) Un programme islamique conscient des tenants et des aboutissants des éléments constants, et une conscience approfondie de leurs indications et significations générales.

2) Assimilation globale de la nature de la conjoncture et de ses conditions économiques, ainsi qu'une étude exhaustive et minutieuse des objectifs déterminés par les indications générales et des moyens nécessaires pour leurs réalisations.

3) Une connaissance et une assimilation juridiques islamiques des pouvoirs du walï al-amr (le gouverneur légal), et l'obtention d'une formule dans le cadre des pouvoirs du gouverneur et dans les limites de la province (wilaya) dont il assume le contrôle.

De là, on comprend que la planification de la vie économique dans la Société islamique est une tâche nécessitant la coopération des penseurs islamiques conscients qui doivent être en même temps des faqîh (jurisconsultes) créateurs et des savants économiques portés au renouveau.

Quant aux lignes générales des indications qui constituent la base de la forme intégrale de l'économie des sociétés islamiques, elles se présentent comme suit (section suivante):



Les indications Générales

1- L'Orientations de la Législation

Cette indication signifie que la législation de l'Économie islamique, relative aux éléments constants, comporte des statuts explicites dans le Coran et la Sunna s'orientant tous vers un objectif commun à la réalisation duquel le législateur semble concentrer l'attention. Cet objectif lui-même est considéré comme une indication constante. Pour le maintenir ou l'acheminer vers son summum, on aurait besoin d'éléments mobiles.

Ci-dessous un exemples de cette indication, représenté par une série de statuts législatifs constituant dans leur ensemble une orientation législative:

1) L'Islam autorise la propriété privée de la nue-propriété (raqabat al-mal) dans les sources de la richesse naturelle(10).

2) L'Islam a aboli le «himâ» (c'est-à-dire le fait d'acquérir un droit dans une source naturelle, basé sur la possession ou mainmise - sans mise en valeur). Aucun droit privé ne peut être acquis dans les sources naturelles sans travail.

3) Si les aspects du travail effectué dans une source naturelle disparaissent et que celle-ci retrouve par conséquent son état antérieur, tout autre individu peut l'exploiter de nouveau et l'utiliser d'une façon saine.

4) Le travail effectué pour la mise en valeur d'une source naturelle telle la terre, ne conduit pas au transfert de la propriété du secteur public au secteur privé, mais confirme au travailleur (l'exploitant) son droit à la priorité, dû à son travail.

5) La mise en valeur indirecte à la façon capitaliste qui consiste à payer aux travailleurs des salaires et à leur fournir les moyens de travail - comme c'est le cas dans la société capitaliste - ne donne pas au créancier de droit sur les résultats de la mise ne valeur ni ne l'autorise à cueillir les fruits du travail qu'il a financé.

6) La production capitaliste dans les industries d'extraction ne confère pas au capitaliste le droit de s'approprier l'article produit. Par exemple, lorsqu'un ou plusieurs individus paient des salaires aux travailleurs qui extraient du pétrole et leur fournissent les moyens et les outils nécessaires à leur travail, le pétrole extrait dans ce cas n'est pas considéré comme propriété des créanciers et des fournisseurs des outils; c'est ce qui explique la raison du refus de fonder la mise en oeuvre des industries d'extraction, fondées sur une base capitaliste.

7) La propriété des moyens de production utilisés dans les industries de transformation ainsi que dans d'autres opérations de production ne confère pas aux propriétaires (de ces moyens) un droit quelconque sur l'article produit. Si des fileurs filent leur laine en utilisant des instruments mécaniques de filage appartenant à d'autres individus, ceux-ci n'auront pas des parts dans la laine mais doivent percevoir des fileurs - qui possèdent la totalité de la valeur produite - les prix du louage de leurs instruments.

8) Si la restitution d'un capital utilisé dan une opération d'exploitation était garantie à son propriétaire, celui-ci n'acquiert aucune part aux bénéfices résultant de l'opération; car l'intérêt usuraire est prohibé en Islam, et le fait d'avoir ajourné l'utilisation de son capital ou de s'abstenir de s'en servir directement ne confère pas au capitaliste de droit à des gains sans travail propre, ces gains étant réalisés en fait par les travailleurs et devant leur revenir dans leur totalité, même s'ils ne possèdent pas les moyens matériels de leur réalisation. Le seul cas ou l'Islam autorise au capital monétaire de partage le gain réalisé, c'est lorsque le capitaliste accepte d'assumer, lui seul et sans y associer le travailleur, tous les risques et toutes les conséquences négatives de l'opération à laquelle il partage par son capital.

9) Le locataire n'a pas le droit d'exploiter, de façon capitaliste, le loyer qu'il paie, pour réaliser des gains sans travail; c'est-à-dire qu'il n'a pas le droit de louer une maison, un bateau ou une usine à un prix donné et de les sous-louer ensuite à un tiers à un prix supérieur sans y avoir effectué des travaux qui justifieraient une telle augmentation. En d'autres termes, il est interdit de louer une utilité quelconque à un prix donné pour la sous-louer ensuite à un prix supérieur.

10) Il est interdit de faire signer à quelqu'un une reconnaissance de dette sans lui avoir prêté effectivement l'équivalent réel de cette dette; car la perception effective du bien est une condition du contrat d'emprunt. De cette façon sont abolies toutes les actions de bourse que les esprits capitalistes européens se sont ingéniés à inventer pour développer la finance sans aucune opération de développement purement capitaliste et ce, en signant des obligations dix fois supérieures aux biens réels qu'ils possèdent pour pouvoir ainsi décupler le montant qu'ils sont à même de consentir réellement aux usages, sachant qu'ils ne seront pas acculés à s'acquitter de toutes leurs obligations en même temps et que chaque emprunteur préfère traiter par ses actions que de retirer de l'argent liquide des Caisses du capitaliste ou de la Banque. C'est de cette façon que le capitaliste parvient à multiplier sa fortune sans travail en abolissant du contrat d'emprunt, l'acte de paiement direct.

Ainsi, tous ces statuts s'orientent vers l'élimination du gain sans travail et le refus de l'exploitation capitaliste, c'est-à-dire l'accroissement de la propriété des capitaux par le seul capital. Cette orientation constitue une indication constante et une base des éléments mobiles dans l'économie de la société islamique. Le gouverneur doit suivre cette orientation en promulguant des formules législatives conformes à ses pouvoirs et ne comportant aucun risque de contredire l'un des éléments constants de la législation.

2- L'Objectif explicité d'un Statut constant

Cette indication signifie que si l'une des références de l'Islam, le Coran ou le Sunna, promulgue un statut et en explicite l'objectif, celui-ci doit servir de signe indicateur permettant de combler l'aspect mobile de la forme de l'Économie islamique par des formules législative qui garantissent sa réalisation (de cet objectif), à condition que ces formules soient dans les limites des pouvoirs du gouvernant. Pour promulguer les formules législatives nécessaires à la réalisation du dit objectif, le juge légal (le gouvernant) doit faire un effort de recherche à la lumière des circonstances de la société et de ses conditions économiques et sociales.

L'exemple en est le texte coranique suivant:

«Ce que Dieu a octroyé à Son Prophète comme butin pris sur les habitants des cités appartient à Dieu et à Son Prophète, à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, au voyageur, afin que ce ne soit pas attribué à ceux d'entre vous qui sont riches. Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit. Craignez Dieu! Dieu est terrible dans Son châtiment». (Coran, 59 : 6-7).

Il ressort de ce texte précieux que l'un des objectifs de la législation islamique est la répartition équilibrée des biens, lesquels doivent servir à satisfaire tous les besoins de la société et être soustraits au monopole d'un nombre limité d'individus.

Cet objectif est considéré comme une indication constante pour ce qui concerne les éléments mobiles. C'est sur cette base que le tuteur promulgue toutes les formules législatives possibles pour maintenir l'équilibre social dans le domaine de la distribution des biens, et empêcher la concentration de ceux-ci chez un groupe limité d'individus. Aussi, l'État islamique combat-il la concentration capitaliste dans la production et le monopole sous ses différentes formes.

Un autre exemple à retenir: tous les textes relatifs à la Zakât (l'impôt légal) précisent que celle-ci n'est pas faite seulement pour satisfaire les besoins de première nécessaire du pauvre, mais de lui permettre de rattraper le niveau de vie moyen de tout le monde. Ce qui signifie que l'unification ou le rapprochement des niveaux de vie de tous les citoyens est un objectif que le juge légal doit s'appliquer à réaliser.

3- Les Valeurs sociales dont l'Islam a souligné l'importance

Cette indication signifie qu'il y a dans les textes islamiques du Coran et de la Sunna certaines valeurs mises en exergue telle l'égalité, la fraternité, la justice, l'égalité, etc. Ces valeurs constituent un fondement dont doivent s'inspirer des formules législatives vivantes et évolutives, susceptibles de s'approprier au renouveau et au changement, et capables de réaliser lesdites valeurs dans les limites des pouvoirs du juge légal et de son devoir de combler les zones creuses.

Dieu a dit:

«O vous qui croyez! Tenez-vous fermes comme témoins, devant Dieu, en pratiquant la justice. Que la haine envers un peuple ne vous incite pas à commettre des injustices». (Coran, 5 : 8).

«O vous, les hommes! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle. Nous vous avons constitués en peuples et en tribus pour que vous vous connaissiez entre vous». (Coran, 49 : 13).

4- L'Orientation des Éléments mobiles par le Prophète ou le Tuteur (Waçî)

Cette indication signifie que le Prophète et les Imams ont deux personnalités ou fonctions : l'une, en leur qualité de hérauts signifiant les éléments constants édictés par Dieu, l'autre, rn leur qualité de gouverneurs et dirigeants de la société islamique, promulguant les éléments mobiles en s'inspirant des indications générales de l'Islam et de l'esprit social et humain de la législation islamique sacrée. Partant de là, le Prophète et les Imams se sont appliqués à formuler les éléments mobiles de différentes affaires de la vie économique et autres, ces éléments - du fait qu'ils émanent du Messager et de ses Successeurs infaillibles(11) - portent sans doute l'esprit général de l'économie islamique et expriment ses aspirations relatives à la réalité de la vie. Pour cela les pratiques du Guide infaillible dans ce domaine revêtaient un caractère constant. Le juge légal doit donc les considérer comme une indication islamique - dans la mesure où il peut les dissocier de leur contexte historique - selon laquelle il définit les éléments mobiles.

De même qu'il y a des valeurs islamiques explicites, de même il y a dans nos références islamiques des notions précises et des interprétations déterminées des phénomènes sociaux ou économiques. Ces notions jettent à leur tour de la lumière sur les éléments mobiles.

L'exemple en est la conception de la pauvreté selon l'Imam 'Alî. En effet, selon les récits, il a dit: «Qu'un pauvre ait faim c'est qu'un riche a trop consommé».

Un autre exemple, c'est sa conception du rôle du commerçant et du gain commercial dans la vie économique. Dans sa lettre de recommandations adressée à Mâlik al-Achtar qu'il venait de nommer gouverneur de l'Egypte, l'Imam 'Alî traite des questions des commerçants et des articles et souligne leur rôle important dans la vie économique: «Ils sont l'origine des profits et la source du confort, ce sont eux qui l'apportent des pays les plus lointains et les plus reculés sur la terre et sur la mer, dans les plaines et dans les montagnes, et là où d'autres hommes ne s'entendraient pas pour l'installer et n'oseraient pas le rechercher».

Cela signifie que l'Imam considérait le commerçant comme l'artisan, en le liant aux efforts qu'il déploie pour transporter la marchandise et la conserver; ce qui constitue une conception du commerce foncièrement différente de celle du capitalisme.

Prenons-en d'autres exemples illustrant cette indication:

1) Selon plusieurs hadith, le Prophète avait interdit pendant une certaine période le louage de la terre. D'après un récit il a déclaré: «Celui qui possède une terre, qu'il la cultive ou qu'il la fasse cultiver par son frère. Il ne doit la louer ni contre le tiers ou le quart de sa production, ni contre des denrées quelconques». Selon une autre version, il a dit: «Celui qui possède une terre qu'il la cultive ou qu'il la donne à son frère. S'il refuse, qu'il la tienne». Enfin, selon la version de Jabir ibn Abdullah, le Prophète a dit: «Celui qui possède une terre, qu'il la cultive. S'il ne peut pas, qu'il la donne à son frère et ne la lui loue pas».

Bien que le contrat de louage ait été admis du point de vue du droit civil du fiqh islamique le Prophète, d'après ces récits, avait utilisé ses pouvoirs en tant que tuteur, pour l'interdire, et ce afin de sauvegarder l'équilibre social et d'empêcher la naissance d'un grand gain sans travail, à un moment où la moitié de la société - les Emigrés (Muhajirines)(12) - vivaient dans le manque et le besoin.

2) Selon certains textes, le prophète avait prohibé la conservation du surplus d'eau et l'herbes. L'Imam al-Sâdiq a déclaré que «Le Prophète avait prononcé un jugement pour les gens de Médine, selon lequel personne n'a le droit d'interdire aux autres l'excédent de son eau et de ses herbes».

Cette interdiction, qui revêt un caractère de prohibition, le Prophète l'avait instituée, en sa qualité de tuteur, parce que la communauté de Médine avait un besoin impérieux de développer sa richesse agricole et animale, et de rendre disponibles les articles nécessaires à la production en interdisant leur accaparement. C'est pourquoi l'État avait obligé les individus de donner le surplus de leur eau et de leurs herbes aux autres.

3) Dans sa recommandation à Mâlik al-Achtar, l'Imam 'Alî a mis l'accent sur l'interdiction absolue et totale du monopole. En effet, après avoir parlé des commerçants en soulignant leur rôle positif dans la vie économique, il a ajouté: «Tu dois savoir, cependant, que beaucoup d'entre eux sont d'un dureté inhumaine et d'une avarice sordide, qu'ils accaparent les profits et sont impitoyables en affaires, ce qui peut nuire au petit peuple, et discréditer les gouvernants. Tu dois interdire l'accaparement, car le Messager de Dieu (que le Seigneur le bénisse, ainsi que sa Famille) l'a interdit. Que les ventes se fassent équitablement, avec des poids justes, et à des prix qui ne lèsent ni le vendeur ni l'acheteur».

Cette interdiction nette du monopole faite par l'Imam 'Alî montre combien l'Islam désapprouve les bénéfices réalisées grâce à des prix artificiels que les conditions capitalistes du monopole créent, tout en préconisant le recours à des bénéfices propres obtenus par la valeur réelle d'échange de la marchandise (laquelle prend en considération l'utilité de celle-ci, le degré de sa valeur selon les facteurs naturels et objectifs - tout en en excluant le rôle de la rareté artificielle, provoquée par les commerçants capitalistes monopolisateurs en manipulant l'offre et la demande.

4) Il a été établi que l'Imam 'Alî avait imposé la Zakât (impôt légal) sur des biens autres que ceux mentionnés dans la formule législative constante. En effet, cette formule avait imposé la Zakât sur neuf sortes de biens. L'Imam 'Alî en a ajouté d'autres tels que: les chevaux par exemple. Ce faisant, il nous fournit un élément mobile selon lequel la Zakât ne vise pas dans la conception de l'Islam, un bien particulier à l'exclusion de tout autre. Il appartient donc au tuteur d'appliquer cette conception là où il le croit nécessaire.

5- Les Objectifs définis au Gouverneur (wali al-amr)

Cette indication signifie que la législation a fixé dans ses textes généraux et dans ses éléments constants, des objectifs au Tuteur, et l'a chargé de les réaliser ou tout au moins de s'efforcer de s'en approcher autant que possible. Ces objectifs constituent la base sur laquelle on doit tracer la politique économique et formuler les éléments mobiles de l'Économie islamique, de telle sorte qu'ils concourent à réaliser lesdits objectifs ou à accélérer au fond, la marche sociale vers leur réalisation. Un exemple qui illustre de telles démarches, c'est l'affirmation de l'Imam Mûsâ ibn Ja'far - à lui le salut - selon laquelle le gouverneur doit pourvoir, de son compte, aux besoins des pauvres, jusqu'à ce qu'il les satisfasse, au cas où la Zakât s'avère insuffisante.

L'expression «de son compte» montre que la responsabilité dans ce domaine incombe au gouverneur selon toutes ses possibilités, et non pas spécialement à la caisse de la Zakât parmi les autres caisses de la trésorerie. Il y a donc un objectif fixe que le gouverneur doit réaliser ou s'efforcer de réaliser par tous les moyens en son pouvoir, et cet objectif, c'est d'assurer un minimum de niveau de vie convenable à tous les membres de la communauté islamique. Cette indication constitue une partie du fondement fixe sur lequel se dresse la superstructure des éléments mobiles de l'Économie islamique et ce au cas où les éléments constants ne suffisent pas à la réalisation de l'objectif en question.

***

La forme intégrale de l'économie de la Société islamique, c'est celle dans laquelle les éléments mobiles et les éléments constants concourent à la réalisation de la justice sociale sur la terre, conformément à la Volonté de Dieu. Nous mettons dans ces pages que vous lisez, le programme de cette forme intégrale de l'économie de la Société islamique, ainsi qu'une partie des éléments et des objectifs fixes qui constituent à leur tour une base des éléments mobiles et une indication de leurs orientations générales. A la lumière de ces données, nous pouvons schématiser les lignes importantes que contient la forme intégrale de l'économie de la Société islamique.

- Toutes les sources de la richesse naturelle appartiennent à Dieu; l'acquisition d'un droit d'usufruit n'y est accordée que sur la base de l'effort et du travail. Toute production humaine de la richesse naturelle ne confère le droit, dans celle-ci, qu'au travailleur qui l'a produite, et que la nature et les moyens de production ne sont que des instruments au service de l'homme.

- L'État doit s'efforcer de lier le gain au travail et d'extirper progressivement toutes les formes de gain qui ne se fondent pas sur ce principe. Autant qu'il diminue le rôle du capital dans les projets productifs et commerciaux, autant il doit oeuvrer en vue de la réduction du gain basé sur le mode purement capitaliste, et autant il se doit d'encourager, en revanche, le rôle du gain fondé sur la base de travail.

- L'État doit assurer, à tous les citoyens, des niveaux de vie unifiés ou rapprochés, et ce en leur assurant le minimum nécessaire et raisonnable d'une part, et en interdisant et prohibant la prodigalité d'autre part. Il est de son devoir aussi de sauvegarder l'équilibre social en veillant à ce que les richesses ne soient enfermées dans un circuit limité.

L'État, selon la forme intégrale de l'économie de la Société islamique, a le devoir de ramener l'argent à son rôle naturel d'instrument d'échange, d'abolir son rôle de moyen de croissance financière due aux intérêts usuraires ou à l'épargne, de créer un impôt frappant l'épargne et le gel des biens, d'éliminer, dans la mesure du possible, les opérations parasitaires qui interviennent entre la production de l'article et son arrivée au consommateur, et de combattre le monopole, c'est-à-dire toute opération visant à provoquer une pénurie artificielle d'un article dans le but d'en faire monter le prix.

L'État doit s'orienter vers la transformation du rôle du système bancaire: au lieu de servir de moyen de développement capitaliste de l'argent, il doit concourir à l'enrichissement de l'ensemble de l'Umma en rassemblant ses biens dispersés dans un seul affluent pour faire participer le plus grand nombre de citoyens aux opérations d'épargne et de collecte dont les fonds ainsi réunis seront investis dans les projets utiles de production, établis par l'État sur la base d'association (mudhârabah) entre l'ouvrier et le propriétaire conformément à la jurisprudence islamique (fiqh).

L'État est tenu à donner un travail dans le secteur public à tout citoyen, prendre en charge tous les invalides ou ceux qui ne trouvent pas de travail, à percevoir le Zakât pour fonder une Caisse de sécurité sociale, et à consacrer le cinquième des revenus pétroliers ou d'autres richesses naturelles à la sécurité sociale et la construction de maisons d'habitation aux citoyens, selon un ordre qu'il établit lui-même.

L'État est également tenu à dépenser les rentes du secteur public sur l'enseignement gratuits dans toutes ses étapes, et sur les services gratuits de la santé sous toutes leurs formes, de telle sorte que tout citoyen puisse bénéficier de la gratuité de l'enseignement et de la santé, et ce conformément à un système qu'il établit lui-même.

Telle est donc la forme intégrale de l'économie de la Société islamique. Dans le prochain épisode, nous en parlerons d'une façon plus détaillée. Que Dieu couronne notre tâche de succès. «O Croyants! Répondez à l'Appel de Dieu et du Prophète quand il vous appelle à ce qui vous fait vivre, et sachez que Dieu se glisse entre l'homme et son coeur, et que vous serez un jour rassemblés devant Lui».

«Souvenez-vous! Lorsque sur la terre vous étiez peu nombreux et faibles, craignant que les hommes ne s'emparent de vous, Dieu vous a procuré un refuge; Il vous a assistés de Son secours; Il vous a accordé d'excellentes nourritures, peut-être servez-vous reconnaissants». (Coran, 8 : 26)

























LIVRE II



LIGNES DÉTAILLÉES

DE L'ÉCONOMIE

DE LA SOCIÉTÉ ISLAMIQUE









Dans le livre précédent, il a été dit que, selon le principe du «mandat général» (al-Khilâfah al-'âmmah)(13) prôné par l'Islam, Dieu est le véritable et unique Propriétaire de l'Univers et de toutes les richesses que celui-ci contient et qu'Il (Dieu) en a délégué la propriété à l'homme, lequel a mérité cet honneur, puisqu'un tel mandat suppose que Son détenteur possède le sens de la responsabilité et inspire confiance et que l'homme est justement l'être terrestre qui se distingue par le sens de la responsabilité dont il est doté. Il est donc naturel que l'homme doive - du fait de son mandat - se comporter envers ce qui lui est confié d'une façon conforme aux prescriptions de Dieu qui l'a délégué auprès de l'univers et lui a confié toutes les richesses que celui-ci renferme.

En Islam, les statuts de la richesse représentent un aspect des prescriptions de Dieu. Et c'est par l'observation et l'application de ces prescriptions que l'homme-délégué peut s'acquitter des obligations du mandat dont il doit respecter les termes.

Mais ces statuts se présentent islamiquement sous deux formes : la forme islamique intégrale, la forme islamique limitée.

La forme intégrale, c'est la forme législative qui s'applique dans le cas d'une société intégralement islamique, fondée sur une base islamique et ayant un système économique et un régime politique qui s'inspirent totalement de la Loi révélée. Quant à la forme limitée, c'est la forme législative qui s'applique islamiquement dans le cas d'un individu pratiquant, personnellement soucieux de baser sa conduite et ses rapports avec les autres sur les fondements de l'Islam, mais vivant dans une société qui n'adopte pas celui-ci comme système de vie et qui applique des régimes sociaux et des idéologies non islamiques.

La différence entre les deux cas est grande, elle l'est conséquemment, entre les deux formes.

Les raisons de cette différence peuvent se résumer comme suit:

1- Un certain nombre de statuts immuables de la Loi islamique révélée ne peuvent pas être appliqués à l'individu en tant que tel et sont destinés à la société. De tels statuts n'ont pas de place dans la forme limitée qui réglemente la conduite économique de l'individu pratiquant alors qu'ils occupent une place essentielle dans la forme intégrale de l'économie de la société islamique. L'exemple en est l'obligation d'établir l'équilibre social dans la société islamique, de la façon que nous expliquerons plus loin. Cette obligation constitue un devoir pour la société et pour ceux qui en assurent la direction générale, mais n'a pas de signification pratique dans l'application religieuse purement individuelle.

2- Les indications islamiques générales qui constituent une base pour les éléments variables de l'Économie islamique, ainsi que les autres éléments variables qui en découlent, entrent dans la composition de la forme intégrale de l'économie de la Société islamique, alors qu'elles ne jouent très souvent aucun rôle dans la forme limitée - c'est-à-dire dans la conduite de l'individu pratiquant - car elles sont souvent liées à des formes législatives promulguées par le «tuteur» (walî al-amr) ou le gouverneur légal, conformément à ses pouvoirs légaux et en application de ses responsabilités de diriger la société à la lumière de ces indications.

Lorsqu'il ne s'agit plus de diriger une société, mais d'orienter un individu, la plupart de ces éléments variables ainsi que leurs formes législatives disparaissent. Exemple: les législations que le gouverneur légal doit formuler - conformément à ses pouvoir - pour lutter contre le monopole dans tous les domaines de la vie économique afin d'empêcher la pratique de la hausse de prix artificielle, provoquée par l'action de ce monopole sur les quantités de l'offre et de la demande, sont habituellement inhérentes au rôle dirigeant du gouverneur légal et deviennent sans effet dès lors qu'il s'agit du cas d'un individu pratiquant qui vit dans le cadre d'une société n'observant pas socialement les règles de l'Islam.

3- Le cas de l'individu pratiquant et vivant dans une société qui n'adopte pas l'Islam comme mode de vie, est un cas complexe et comporte une contradiction entre les obligations religieuses et les nécessités qui s'y opposent et auxquelles on ne peut pas suppléer dans ladite société. Très souvent des circonstances exceptionnelles apparaissent nécessitant des statuts exceptionnels différents de ceux qui s'appliquent normalement dans la forme intégrale de l'économie de la société islamique. Exemple: attitude de l'individu pratiquant vis-à-vis des banques gouvernementales dans une société dont le régime pratique l'usure et l'attitude de la Société islamique vis-à-vis des banques elles-mêmes. Dans le premier cas, le faqîh(14) pourrait autoriser l'individu pratiquant à percevoir les intérêts de l'argent qu'il a déposé dans les banques en les considérant comme propriété anonyme, et à les dépenser pour lui-même ou pour les pauvres; alors que dans le second cas, la société islamique refuse absolument la pratique de l'usure et n'autorise les bénéfices de la banque qu'en les liant au travail et à leur participation aux efforts productifs de la vie économique.

Ainsi, par ce qui précède, on peut constater combien les deux formes sont fondamentalement différentes. Cependant, dans la plupart des «Guide pratique du Musulman» (al-rasâ'ïl al-'amaliyah)(15), c'est habituellement la forme limitée qui est présentée puisqu'il s'agit, dans ces guides, d'orienter l'individu pratiquant désireux d'avoir une conduite conforme aux lois islamiques bien qu'il vive dans une société qui n'adopte pas l'Islam comme mode de vie.

C'est pourquoi, la forme qui ressort de ces guides ne suffit pas à traduire la vision intégrale de l'importance de l'Économie Islamique et de ses fruits qui devraient assurer le bonheur et le bien-être de l'humanité. Mais elle demeure, toutefois, indispensable car elle a pour but de permettre à l'individu pratiquant de :

1) obéir à son Seigneur et de s'acquitter de ses devoirs islamiques dans sa conduite personnelle;

2) préserver ce qu'il peut des règles islamiques, de les adopter dans la réalité de sa vie pour exprimer ainsi, d'une façon concrète, sa foi dans le Message divin, sa persévérance à considérer celui-ci comme le seul mode de vie adéquat et son refus tacite de tout autre système de vie;

3) de réaliser une part de la justice sociale, proportionnelle aux possibilités d'application qui lui sont offertes. La meilleurs illustration en est sans doute le rôle humano-divin joué, dans le domaine de la solidarité sociale et du secours des pauvres et des miséreux, par deux obligations islamiques: le Zakât et le Khoms(16). De nobles pratiquants tiennent en effet à s'acquitter de ces deux obligations financières bien qu'ils paient leurs impôts officiels; ils le font par acquit de conscience et par sentiment de responsabilité islamique envers tous les indigents et les opprimés de la terre, offrant ainsi un exemple concret de la solidarité sociale qui doit prévaloir entre les membres de la Communauté islamique.

Ceci dit, la présentation de la forme limitée ne dispense pas de présenter la forme intégrale qui s'applique islamiquement dans le cas d'une société désireuse de baser sa vie sur des fondements islamiques.



Quels sont les éléments de

la forme intégrale ?

L'approche de cette question nous amène obligatoirement à débuter par l'analyse des rapports qu'établit l'homme dans l'exercice de sa vie économique et qui sont de deux types :

- D'une part, les rapports qu'il établit avec la nature en travaillant et en essayant de la maîtriser et d'en exploiter les richesses: ce type de rapports est habituellement incarné par l'opération de production sous les différentes formes qu'elle a prises au cours de l'histoire.

Ainsi, la simple pierre, la houe à main, le moulin à vent, l'instrument à vapeur et les moteurs électriques sont des formes de production traduisant les rapports variés qui peuvent s'établir entre la nature et l'homme qui, tout au long de l'histoire, a essayé de l'exploiter.

- D'autre part, ses rapports avec ses semblables qui partagent son droit à bénéficier de la nature et de ses richesses: ce type de rapports est habituellement représenté par l'opération de distribution sous ses différentes formes. L'esclavagisme, le féodalisme, le capitalisme, le socialisme et l'Économique islamique sont tous des formes de distribution et traduisent une diversité de rapports qui s'établissent entre les membres de la société afin de déterminer la façon positive ou négative dont ils partagent les richesses de la nature.

Le marxisme a lié à tort les formes de distribution aux formes de production en considérant celle-là comme une superstructure émanant inévitablement de celle-ci. Pour lui, tout rapport de production aboutit nécessairement à un rapport déterminé de distribution, lequel est approprié à la forme de production en cours et concourt à son développement, et lorsque les rapports de distribution, sous leur forme sociale, deviennent à un moment donné un obstacle face à la croissance de la production et que de nouveaux rapports de production et de nouvelles forces productives dont le développement nécessite une redistribution nouvelle apparaissent, les lois du matérialisme historique tendent à modifier l'équilibre social et à remplacer et à changer lesdits rapports de distribution par d'autres, qui sont à même de répondre aux nouveaux besoins de la production et de ses rapports.

C'est dire que c'est l'intérêt de la production, et non celui de l'homme, qui détermine et justifie les rapports de distribution et que toute forme de rapport de distribution est considérée comme juste et acceptable tant qu'elle va dans l'intérêt de la production. Le matérialisme historique a même considéré l'esclavagisme comme un système de distribution progressiste pendant l'étape où il servait l'opération de production.

Tout au contraire, l'Islam ne fait pas de l'intérêt de la production la base des rapports de distribution, mais établit ceux-ci sur des valeurs immuables, les valeurs humano-divines incarnées par «la Mandat de l'homme sur la terre» (khilâfah)(17) et visant à assurer le bon droit (al-haq), la justice, l'égalité et à défendre la dignité humaine. C'est pourquoi, l'Islam condamne les rapports de distribution basés sur l'exploitation et l'injustice, et ceci quels que soient le niveau et la forme de la production ; mieux encore, il ne se contente pas de condamner théoriquement ces rapports mais il les a effectivement abolis, dans des circonstances où les rapports de production étaient, selon la logique marxiste, à cent lieues de nécessiter la condamnation et l'extirpation d'un tel genre d'exploitation. De ce fait l'Islam lui-même, ainsi que son application, constituent un défi évident aux conceptions du matérialisme historique et aux valeurs du marxisme relatives à l'histoire et à l'économie.

Dans l'optique de l'Islam, l'évolution de l'expérience de l'homme avec la nature ainsi que ses progrès scientifiques doivent affecter continuellement les rapports de production. Etant donné que l'expérience scientifique de l'homme est en constant développement, il est tout naturel que son expérience et sa maîtrise de la nature s'accroissent progressivement et que ses outils et ses moyens de production s'améliorent sans cesse.

Quant aux rapports de distribution, il sont fondés, selon la conception islamique, comme nous l'avons signalé plus haut, sur des droits humains immuables et sur la logique du «Mandat de l'homme sur la terre» (Khilâfah). Pour cela, la forme de distribution ne change pas forcément et ne se renouvelle pas obligatoirement suivant la modification des rapports de l'homme avec la nature. Ainsi, lorsque l'Islam lie la propriété au travail et fait du travail et du besoin les deux bases de la propriété, en matière d'économie, il n'obéit ni à une nécessité circonstancielle ni à un souci d'enlever les obstacles dressés devant les forces productives, comme c'est le cas du marxisme qui voit dans la nationalisation la satisfaction de l'un des besoins des forces de production. Pour l'Islam, baser la propriété sur le besoin et le travail, c'est adopter un principe immuable dans les rapports de la distribution, valable aussi bien pendant l'ère de la production manuelle, que pendant celle du moulin à vent que pour celle du moulin à vapeur.

L'instrument - quel qu'il soit: une pierre, une charrue ou un outil complexe - dont se sert l'homme, n'apprend pas à celui-ci le sens de la justice ; au contraire, il pourrait l'amener à dévier de la voie de la justice sociale et à se détourner des lois du «Mandat de l'homme sur la terre» (Khilâfah).

Là réside la faille qui assujettit la législation, dans le domaine des rapports de la distribution à l'évolution des opérations de production et des rapports de l'homme avec la nature; car le développement de l'outil de production par certaines membres de la société ouvre les portes à l'exploitation. Il faut donc pallier à cela en protégeant la société par des législations supplémentaires, pour que l'évolution des forces de production n'affecte pas le bon fonctionnement et la justice de la distribution. Pour ce faire, les éléments de l'économie de la Société islamique se divisent en trois catégories:

- La première catégorie comprend les éléments immuables, ceux qui régissent les rapports de distribution conformément aux principes de la justice sociale et du «Mandat de l'homme sur la terre» (Khilâfah). Ces éléments sont exprimés, dans l'Islam, sous forme des lois mentionnées textuellement dans le Coran et dans la Sunna ou déduits de ces lois. L'exemple qui illustre cette catégorie d'éléments, c'est le fait de baser la propriété sur deux fondements seulement, le travail et le besoin, comme nous l'avons noté plus haut.

- La deuxième catégorie comprend des éléments variables concernant le domaine de distribution et l'organisation de ses rapports. Ces éléments sont nécessités par une éventuelle modification et complication des domaines de la production, et qui pourrait engendrer de nouvelles occasions d'exploitation. L'exemple de ces éléments, c'est la fixation, par le juge légal, d'un maximum à ne pas dépasser dans l'exploitation de la terre ou d'autres sources de la richesse naturelle, au cas où l'autorisation d'une exploitation illimitée pourrait, avec le développement matériel et mécanique de l'opération de production, conduire à l'apparition de formes de monopole et d'exploitation inadmissibles en Islam.

Font partie de cette catégorie, les éléments islamiques variables dont nous avons précisé, dans le livre précédant, les indications immuables dans la législation islamique.

- La troisième catégorie comprend des éléments variables relatifs à l'opération de production, à son amélioration et au développement de ses moyens et de son rendement. Ces éléments sont naturellement évolutifs, car il est absurde de supposer l'immuabilité des rapports de l'homme avec la nature, étant donné que ces rapports sont les produits de l'expérience humaine et que celle-ci évolue continuellement. La base de ces éléments est la recherche scientifique, les sciences positives et naturelles, y compris la science économique dans la mesure où elle a trait à la nature et aux lois naturelles de la production, telle la loi du rendement régressif, par exemple.

Ainsi, l'Islam a promulgué la première catégorie d'éléments sous formes de statuts immuables et a posé des indications générales permettant de définir la deuxième catégorie d'éléments. De cette façon, il a pu fixer les jalons de sa vision générale de la justice sociale et d'un mode de distribution sain dans la Société islamique.

Quant aux éléments de la troisième catégorie, que nous pouvons appeler des «éléments variables temporels» pour les distinguer des «éléments variables» précédents, leur définition est laissée aux études scientifiques et aux dernières découvertes auxquelles aboutira l'expérience humaine. Dans ce domaine, l'État, dans la Société islamique, doit tracer une politique économique de production, basée sur les éléments variables et inspirée desdites études, à condition que le buts de cette politique soient conformes à l'application et aux orientations islamique de la production. Ainsi, l'État doit-il, en traçant une politique de production, aplanir les obstacles naturels, en profitant des expériences et des réalisations de la science, et élaborer un plan d'orientation basé sur les méthodes statistiques. Il faut, en outre, que l'État élimine les obstacles politiques qui empêchent la société d'exploiter ses richesses et qu'il mette fin à tous phénomènes susceptibles de porter atteinte à la dignité de l'individu et à sa souveraineté sur ses richesses. Il doit, par exemple, élaborer des législations capables de libérer la Société islamique de toutes les formes de dépendance économique et lui permettre de reprendre le contrôle total de son économie.

Dans les pages suivantes, en exposant quelques lignes détaillées sur la forme intégrale de l'économie de la société islamique, nous visons principalement à mettre en exergue la première et la deuxième catégorie des éléments de l'économie de cette société, c'est-à-dire «les éléments invariables» et «les éléments islamiques variables à indications générales invariable».

EXPRESSIONS GÉNÉRALES

La propriété publique:

Ce sont les biens de l'État islamique ou l'État en sa qualité de représentant divin auprès de la communauté islamique (Umma).

La propriété de l'État:

C'est la propriété du Prophète ou de l'Imam ( en leur qualité de Mandataire désigné par Dieu). En l'absence de l'un et de l'autre c'est le gouvernement légal qui les représente et qui jouit légalement de leurs pouvoirs dirigeants.

La propriété de la Umma:

Ce sont les biens de la Communauté islamique (Umma) en sa qualité de communauté islamique et tout au long de son existence historique.

La nue-propriété (raqabat al-mâl)(18) :

Si le bien est une source de richesse naturelle, telle qu'une source d'eau, un fleuve ou un puits de pétrole, on appelle la source elle-même et l'ensemble de ce qu'elle contient (la source, la fleuve, le puits): raqabat al-mâl, pour la distinguer des quantités limitées de richesse qu'on en retire, c'est-à-dire l'usufruit.

Les biens communs:

Ce sont les richesses naturelles dont la propriété n'est attribué à personne ni à aucune partie et dont le droit d'usufruit est accordé à tous les membres de la société sans distinction, la raqabah (la source naturelle) conservant sa qualité de bien commun.

La propriété privée:

C'est le bien appartenant à un individu ou à une entreprise privée et dont le propriétaire n'est tenu de payer - en contrepartie de l'utilisation de ce bien - aucune indemnité, ni à la Umma ni à l'État.

Le droit de propriété :

C'est le droit qu'un individu acquiert dans le secteur de la propriété publique et en vertu duquel il a la priorité sur les autres de bénéficier de ce bien, la raqabah demeurant dans le cadre de la propriété publique.

Le droit public de l'Umma:

C'est le même droit de priorité que celui défini dans l'expression précédente, mais acquis par la Communauté islamique (Umma) conçue dans son ensemble et tout au long de son étendue historique. Ainsi, la Communauté islamique (Umma) acquiert ce droit dans le secteur de la propriété de l'État par exemple, celui-ci demeurera le propriétaire de la raqabah, alors que la Communauté islamique (Umma) aura le droit à la priorité.

Al-hemâ (la protection):

C'est l'acquisition d'une propriété ou d'un droit sur une source naturelle par la mainmise ou la possession.

La mise en valeur:

C'est le travail qui rend un site naturel effectivement exploitable. Ainsi, labourer la terre, effriter son sol et l'irriguer, mettent la terre en valeur. De même, découvrir un métal, accéder à ses mines et à ses veines et le rendre extractible constituent une mise en valeur du métal. Enfin, creuser la terre en vue de parvenir à une source d'eau est une mise en valeur de la source et ainsi de suite.

Le secteur public:

C'est tout bien qui fait partie de la propriété publique, ainsi que la raqabah dans les biens communs.

Le secteur privé:

C'est tout bien qui fait partie de la propriété privée.

La production capitaliste:

Au sens dogmatique, c'est le fait que la possession d'un bien déjà constitué donne à son propriétaire le droit à un gain obtenu sans travail. Nous l'appellerions également le «système capitaliste». Le bien déjà constitué peut être: argent liquide, terre ou moyen de production.

La production primaire:

C'est la production d'une matière naturelle dans laquelle aucun travail humain antérieur n'est accompli, telles que les industries extractives, la production agricole au cas où les graines n'étaient pas antérieurement la propriété d'un autre producteur, ainsi d'autres opérations similaire de production.

La production secondaire:

C'est la production dans laquelle le producteur transforme une matière déjà développée par l'homme et faisant partie, antérieurement, de la propriété d'un autre producteur, comme c'est le cas des industries de transformation telles que l'industrie textile ou la production de différentes sortes de machines.

LES ASPECTS GÉNÉRAUX

de la forme intégrale de l'économie

de la Société islamique

Nous allons maintenant traiter des aspects généraux de la forme intégrale de l'économie de la société islamique en classifiant comme suit les statuts de la richesse en Islam.

- Première partie: la distribution primaire des sources de la richesse naturelle.

- Deuxième partie: la production et le mode de répartition de ses produits.

1- La production et son importance dans l'Économie islamique

2- La production primaire et le mode de répartition de ses produits.

3- La production secondaire et le mode de répartition de ses produits.

- Troisième partie: la gestion des biens.

1- L'échange des biens et le bénéfice commercial basé sur les opérations de l'échange.

2- La consommation du fonds et sa dépense pour satisfaire les besoins.

- Quatrième partie: les responsabilités générales de l'État.

PREMIÈRE PARTIE

LA DISTRIBUTION PRIMAIRE DES SOURCES DE LA RICHESSE NATURELLE

Lorsque l'homme qui vit au sein d'une société voit les différentes richesses de la nature, il pense à s'emparer de tout ce qu'il peut pour le garder pour lui-même et en tirer le profit. Ainsi, il a envie de posséder la terre et les puits de pétrole, de couper le bois dans la forêt, de puiser l'eau dans le puits ou le fleuve, de transporter des pierres du désert ou de la montagne, de pêcher les poissons dans l'eau, de chasser les oiseaux dans l'air et ainsi de suite.

Tant qu'il vit dans une société, l'homme a des motifs qui justifient toutes ces formes de possession. Mais si l'on suppose que l'homme se trouve seul dans la nature, sans qu'il y ait un autre homme qui le concurrence, la situation changerait sûrement et la possession perdrait, dans un bon nombre des cas cités, ses motifs, en demeurant toutefois, dans d'autre cas, l'expression d'un acte naturel et raisonnable. Ainsi, dans les premiers cas, l'homme n'aurait aucun motif susceptible de l'amener à penser à la possession et au contrôle d'un fleuve naturel, étant donné que tout ce qu'il pourrait en espérer c'est de l'avoir à sa disposition pour s'en servir quand il en aurait besoin. Or, le fleuve est là effectivement, et il peut s'en servir à sa guise tant qu'il ne se sent pas menacé par un concurrent.

Mais dans tous les cas, il doit penser à transporter le bois de la forêt et l'eau du fleuve à sa maison ou à sa ferme, et donc à les posséder. Car il est évident que dans ce cas, la possession est une condition sine qua non de l'utilisation de l'eau et du bois et de leur usage à des fins personnelles.

On voit donc que la possession est, dans les premiers cas, une opération de monopole découlant de la concurrence et non un acte économique objectif, tandis que dans les derniers cas, c'est un acte économique qui n'est pas de nature monopolistique, même s'il peut aboutir au monopole.

Si nous examinons les cas où la possession constitue, par sa nature, un monopole, nous constatons qu'il s'agit du cas du contrôle des sources naturelles de la richesse, telles que la terre, les métaux et les sources d'eau. Quant aux cas où la possession constitue un profit de nature économique et non monopolistique, ce sont les cas de la possession de quantités limitées de richesse qu'on peut tirer de ces sources et des différents domaines de la nature.

Ainsi, chasser les oiseaux, pêcher les poissons, découper le bois dans la forêt, puiser l'eau dans le fleuve, extraire les perles de la mer et le pétrole des puits, conduisent à la possession et constituent des actes économiques.

Pour cette raison, la richesse naturelle se divise en deux catégories principales:

1- La première catégorie: les sources de la richesse naturelle comprenant la terre, les métaux, les fleuves, les cours et les sources d'eau.

2- La deuxième catégorie: les autres richesses naturelles dispersées dans les quatre coins du monde telles que les différentes sortes d'animaux, les plantes, les bois, les pierres ainsi que toute autre variété de richesses dont l'homme peut se servir en les possédant et dont la possession constitue un acte économique. Appelons cette partie de richesses «biens mobiliers» pour les distinguer des autres sources de la richesse qui sont des «biens immobiliers».

1- Les Sources de la Richesse naturelle

Les principales sources de la richesse naturelle sont:

1) La terre, ses forêts et ses surfaces naturellement cultivables ou dont la bonification nécessite une intervention humaine.

2) Les métaux et les minéraux: il s'agit de toute richesse naturelle se trouvant à l'intérieur de la terre ou au fond de la mer, telle que les puits de pétrole, les mines d'or, d'argent, de fer, etc.

3) Les source d'eau: fleuves, mers, lacs et sources d'eaux.

La première et la seconde catégorie de source de la richesse naturelle entrent dans le cadre du secteur public, lequel est propriété de l'État, tandis que la troisième catégorie fait partie des biens communs.

Pour ces trois catégories de sources, l'Islam n'autorise pas l'acquisition d'une propriété privée dans la raqabah - la source elle-même - laquelle demeure propriété de l'État, ou entre dans le cadre des biens communs.

L'Islam interdit également aux individus l'acquisition par le «hemâ». Le Prophète a dit à ce propos: «Le droit du hemâ ne revient qu'à Dieu et à Son Prophète».

Ceci est dû au fait que hemâ est une possession à caractère de monopole. Egalement, la possession d'une source naturelle ne donne pas au possesseur le droit d'en être le propriétaire, ni d'y acquérir sur elle un droit privé, car cette possession constitue un monopole et non pas un acte économique. Par contre, l'Islam a autorisé les particuliers à acquérir un droit privé, basé uniquement sur la mise en valeur, laquelle est un acte économique, et non un monopole, qui crée une occasion ou une possibilité d'exploiter et d'utiliser la source naturelle.

Ainsi, celui qui met en valeur une terre, en la labourant, en la débarrassant des roches et en l'irriguant, la rend exploitable. De même, celui qui met en valeur un métal, en creusant la mine de façon à pouvoir en extraire des quantités de ce métal, crée une certaine occasion d'exploitation: utiliser le métal et pouvoir en tirer profit.

De telles occasions d'exploitation, créées par l'effort humain lors de l'opération de la mise en valeur, deviennent la propriété de l'exploitant, lequel acquiert ainsi le droit d'utiliser la source naturelle et le droit de priorité (sur les autres) de bénéficier de l'occasion d'exploitation qu'il a créée par son propre travail. Mais cela ne signifie pas que raqabah deviennent sa propriété ou qu'il ait sur elle un droit privé. D'autres peuvent utiliser la même source en créant, par une autre opération de mise en valeur, une autre occasion d'exploitation.

Lorsque les aspects de la mise en valeur disparaissent, l'exploitation perd le droit de priorité et tout autre individu pourra, dès lors, remettre la source naturelle en valeur et remplacer le précédent exploitant.

En règle générale celui qui entreprendre la mise en valeur d'une source naturelle, n'a le droit ni de geler son exploitation, ni de faire preuve de laxisme en l'exploitant, ni de négliger de l'utiliser convenablement dans l'opération de production.

Quant à la fixation d'une clôture, c'est-à-dire le fait d'enclore un terrain au moyen de repères de pierres ou d'un mur, elle ne donne, à l'auteur de cette action, d'autre droit que celui d'avoir commencé une opération de mise en valeur.

Egalement la mise en valeur d'une source naturelle donne à l'exploitant le droit de priorité dans les limites de cette source seulement et ce droit ne s'étend pas à d'autres sources tant qu'il n'aura pas effectivement mis celles-ci en valeur. En d'autres termes, si un individu acquiert un droit de priorité sur une terre qu'il a mise en valeur en vue d'une exploitation agricole, il n'a pas le même droit sur les métaux et les autres richesses que cette terre renferme car l'opération de la mise en valeur agricole de la terre concerne uniquement l'exploitation agricole de cette terre et n'a pas de rapport avec les métaux et les mines qu'elle renfermerait et dont la mise en valeur nécessite un nouvel effort.

L'autorisation générale de mise en valeur et de droit de priorité, accordée aux particuliers, n'est qu'une des formes possibles auxquelles peut recourir l'État pour exploiter le secteur public et le mettre au service de l'économie. L'État peut recourir à d'autres formes d'exploitation du secteur, s'il les estime plus profitables à l'ensemble de la vie économique de la Société islamique.

Il est important de noter que la mise en valeur, qui donne droit de priorité, est basée sur un travail effectué directement. Autrement dit, la mise en valeur réalisée selon le mode capitaliste, qui consiste à employer des salariés en leur fournissant les outils nécessaires à cette opération, ne permet pas d'acquérir ce droit. Le capital qui couvre les salaires et les frais d'utilisation des outils et qui est dépensé lors de la mise en valeur ne donne pas de droit sur la terre. Ce droit est basé uniquement sur le travail direct.

Lorsqu'un travailleur utilise les outils d'un autre pendant l'opération de mise en valeur, il doit payer à ce dernier une indemnité dont la valeur est équivalente à celle de la dévaluation que subissent les outils du fait de l'usage. L'État a le droit d'acheter le droit de priorité de l'exploitant, et d'obliger celui-ci à le vendre, s'il estime que la conservation de ce droit porte attente à la justice de la distribution des sources naturelles entre les individus ou à l'équilibre social. Pour acheter ce droit de priorité, il doit payer à l'exploitant l'équivalent de la valeur du travail effectué dans la source naturelle et dont celui-ci est l'ayant droit, soit pour l'avoir mise en valeur lui-même, soit parce qu'elle lui a été transmise de l'exploitant originel par héritage ou indemnisation. Cette valeur doit être estimée selon le critère de la production directe et non pas capitaliste.

Le transfert à la communauté islamique (Umma) du droit de priorité:

Si un individu acquiert, avant sa conversion à l'Islam, un droit de priorité basé sur la mise en valeur d'une source naturelle et que celle-ci, à la suite d'une conquête, tombe aux mains de l'Islam du vivant de l'ayant droit, le droit de priorité de l'exploitant sera transféré à l'Umma pour l'étendue de son existence historique.

Ainsi le droit de priorité devient, à la suite de la conquête ou du Jihâd, un droit public de l'Umma et la terre ainsi conquise s'appelle terre kharâjiyyah(19), sur laquelle aucun droit privé ne pourra être attribué.

Mais si cette terre venait à être détruite et à perdre les aspects de sa mise en valeur, par suite d'une négligence de l'État ou en raison de l'absence du gouverneur légal, un particulier ne pourrait pas, sur la base de la mise en valeur, en acquérir le droit de priorité. C'est l'État lui-même qui doit, au nom de la Communauté islamique (Umma), la remettre en valeur.

En revanche, dans le cas d'une terre mise en valeur par des infidèles se convertissant volontairement à l'Islam et faisant de leur terre, en répondant positivement à l'Appel de l'Islam, un territoire islamique, le droit de priorité acquis par la mise en valeur demeure valable et ne se perd pas à la suite de leur conversion à l'Islam et de la soumission de leur terre au contrôle de l'État islamique.

Les sources naturellement exploitables:

Etant donné que la mise en valeur est la base unique de l'acquisition par les particuliers de droits privés, cela signifie qu'il n'y a pas lieu d'accorder un droit quelconque sur les source naturellement exploitables et effectivement utilisables telles que les forêts naturellement exploitables, les métaux se trouvant à la surface de terre et les terre cultivables en raison de la fertilité de leur sol et de leur proximité de sources d'eau. Aucun droit privé n'est accordé dans ces sites naturels et il est interdit d'y travailler sans la permission de l'Imam (tuteur). En outre le travail s'y effectue à titre d'usufruit et non pas de mise en valeur, ce qui revient à dire que les liens des travailleurs avec le site exploitable sont coupés dès que ceux-là cessent de l'utiliser ou si l'État leur en retire la permission.

Toutes les sources de la richesse naturelle font partie de secteur public. Les particuliers peuvent acquérir sur elles un droit privé d'usufruit, basé uniquement sur le travail qui se traduit par la mise en valeur exercée directement par le travailleur.

RÈGLE 1 :

Toutes les sources de la richesse naturelle font partie du secteur public. Les individus peuvent y acquérir des droits privés d'usufruit, basés uniquement sur le travail qui se traduit par la mise en valeur, c'est-à-dire le travail direct.* * *

2- Les Biens Mobiliers:

Nous avons appelé la deuxième catégorie de richesse naturelles les «biens mobiliers», lesquels sont à la disposition de tous les individus. Leur possession par l'individu - sous toute forme que ce soit: coupage du bois dans la forêt, pêche des poissons et puisage de l'eau dans le fleuve, etc. - est considéré, ainsi que nous l'avons précisé, comme un acte économique et non pas comme un monopole; c'est pourquoi la possession de richesses mobilières est admise comme une justification de la propriété, au même titre que la mise en valeur octroie un droit sur les sources naturelles.

La mise en valeur d'une source naturelle ainsi que la possession d'une richesse mobilière sont considérées comme une activité économique créatrice d'une occasion d'utilisation du bien, et c'est le travailleur qui jouit d'un titre de mise en valeur ou de possession qui est le propriétaire de cette occasion d'exploitation.

Etant donné que la source naturelle est généralement plus grande que la possibilité d'utilisation créée par l'exploitant lors de son action de mise en valeur, l'appropriation de l'occasion d'exploitation ne mène pas à l'appropriation de la source elle-même, laquelle demeure une propriété commune sur laquelle d'autres peuvent eux aussi créer des possibilités d'exploitation qui leur permettent de s'en servir.

Quant au «bien mobilier», cette quantité limitée d'eau, de poissons ou de bois, dont la valeur est pratiquement égale à celle de la possibilité de son exploitation, que crée le travailleur - respectivement par le puisage, le découpage ou pêche -, sa possession (de ce bien) se justifie par le fait d'être acquis (par l'exploitation).

Nous remarquons ici, comme nous l'avons remarqué dans le cas de la mise en valeur, que l'Islam n'admet pas la possession sur un mode capitaliste. Si un individu fournit le capital nécessaire à une opération de possession, en payant à un groupe de pêcheurs leurs salaires et en leur prêtant le matériel de la pêche, il n'acquiert pas, par là, le droit sur la richesse qu'ils obtiennent. Pour une richesse quelconque, tout droit privé et toute propriété privée ne peuvent s'acquérir que par le travail.

Si un bien mobilier se trouve dans les mains d'un individu qui n'a pas effectué un travail ni consenti un effort pour le posséder, il ne saurait être la propriété dudit individu et demeure un bien commun.

RÈGLE 2

Toutes richesse mobilière existant dans la nature devient la propriété de celui qui l'acquiert par son travail, c'est-à-dire par le travail direct. Aucune autre raison ne justifie son appropriation, excepté si le travailleur qui la possède la transmet par héritage ou indemnisation ou tout autre mode de transmission de la propriété.



DEUXIÈME PARTIE

LA PRODUCTION ET LE MODE

DE DISTRIBUTION DE SES PRODUITS

1- La Production et son importance dans l'Économie islamique

L'Économie islamique s'accorde avec toutes les autres doctrines sociales pour souligner la nécessité de s'intéresser de près à la production et de recourir à tous les moyens possibles pour la développer et l'améliorer, et ce fin de permettre à «l'homme - khalife de Dieu sur la terre» de mieux exploiter les bienfaits et les grâces de la terre. Mais en considérant le développement de la production comme un objectif qu'il faut s'efforcer d'atteindre socialement, l'Islam se conforme aux objectifs généraux du «Khilâfah de l'homme sur la terre». Par cela, il diffère foncièrement, quant aux valeurs et au programme qu'il suit, des doctrines sociales matérialistes. Le capitalisme, par exemple, considère le développement de la production comme un objectif en soi, alors que l'Islam ne fait pas de l'accumulation de la fortune un but en soi mais un moyen d'assurer l'aisance et le bien-être, et de permettre à la justice sociale de suivre son cours normal dans la vie des gens, ainsi que l'une des conditions de la réalisation du «Khilâfah de l'homme sur la terre» et de ses objectifs visant à instaurer la société de l'Unicité.

Cette différence conduit à des divergences notables en ce qui concerne l'attitude de l'Islam et des autres tendances sociales vis-à-vis de l'opération de production. Nous allons relever quelques-unes de ces divergences.

1) Les formes que prend l'opération de production et les conditions sociales qu'elle incarne doivent être islamiquement conformes à la dignité de l'homme, à ses valeurs morales et à ses droits naturels en lesquels croit l'Islam. Celui-ci, en effet, refuse catégoriquement la pratique du capitalisme qui consiste à employer et à exploiter des femmes et des enfants sous-payés dans les activités productives et à sacrifier les valeurs éthiques, les liens familiaux et la protection morale de la femme au profit des intérêts de la production capitaliste.

2) La production, dans l'Économie islamique, n'est pas seulement soumise - comme c'est le cas dans la société capitaliste - aux indices de la demande du marché. Ce qui l'anime positivement, avant tout, c'est le désir de rendre les produits vitaux accessibles à tout le monde, et ceci quelles que soient les conditions de la demande sur le marché. Cette attitude est considérée dans la Société islamique comme une obligation que pratiquent tous les individus, au même titre que la pratique des devoirs religieux et actes de dévotion par lesquels ils s'approchent de Dieu. Par contre, l'Économie islamique adopte dans le domaine de la production une attitude négative vis-à-vis des secteurs qui se consacrent aux articles de luxe et de prestige. Ainsi, la production dans la Société islamique est organisée de façon à assurer aux individus toutes les possibilités d'une vie convenable de laquelle ont disparu tous les signes de somptuosité et de prodigalité, ce qui est tout à fait à l'opposé de la Société capitalise où la production, étant mue par la demande et le pouvoir d'achat des consommateurs, tend, en conséquence, à se consacrer aux articles de luxe, aux instruments de divertissement et aux produits de beauté, et à négliger les biens vitaux.

3) La production dans les société capitaliste souffre, dans certains cas, d'une fausse inflation, car elle est soumise à la demande, laquelle ne représente pas (dans la Société capitaliste) la demande du vrai consommateur mais celle de l'acheteur, et celui-ci n'est souvent qu'un de ces nombreux intermédiaires que la Société capitaliste s'ingénie à créer et auxquels elle distribue des rôles divers. Il s'ensuit que la production refabrique la marchandise dès que celle-ci est écoulée parmi les intermédiaires, sans tenir compte ni du besoin réel des consommateurs ni du volume effectif de ce besoin. La production s'accumule ainsi, provoquant des crises qui acculent les capitalistes à arrêter le travail et même à détruire de grands quantités de la marchandise en cause afin de maintenir un certain degré d'équilibre entre l'Offre et la Demande.

Ce gaspillage dans la production trouve son origine dans la tromperie dont sont responsables les intermédiaires, et dans l'existence d'un grand fossé séparant le producteur du consommateur. Ce fossé n'existe pas dans l'Économie islamique qui tend à extirper les rôles parasitaires des intermédiaires et à rapprocher l'une de l'autre, les opérations de production et de consommation. C'est pourquoi la production se trouve, dans la Société islamique, immunisée contre les problèmes - objectivement injustifiables - de l'accumulation de marchandises, et orientée de façon à assurer la satisfaction des besoins réels de la société.

RÈGLE 3 :

La production est au service de l'homme et non le contraire.

* * * 2- La Production primaire et la Mode de Distribution de ses Produits

Dans toutes opérations de production primaire de la richesse naturelle, deux éléments sont combinés: le travail humain accompli pendant la production et la nature. Car la production n'est pas née du néant, mais c'est l'extraction du métal de la mine, de l'eau du puits, des poissons de la mer, etc. Il y a donc la nature et un travail qui s'y rajoute et la transforme, et cette transformation, c'est la production.

On peut supposer que dans l'opération de la modification de la matière première le producteur utilise des outils et des instruments; il y a dans ce cas, outre la nature concernée par la production et outre le travail humain, un troisième élément :les moyens de production résultant, eux-mêmes, de la nature et d'un travail antérieur.

L'Islam croit, en ce qui concerne la distribution de la richesse résultant de la production primaire, à ce qui suit:

1) La richesse produite est la propriété du travailleur qui l'a produite. C'est une propriété basée sur le travail.

2) Si le travailleur utilise les outils et instruments d'un tiers, celui-ci perçoit de celui-là une indemnisation dont la valeur est équivalente à celle du dommage que subissent ses outils suite à l'usage qui en est fait au cours de l'opération de production, mais n'acquiert pas de part dans la richesse produite.

3) La collectivité représentée par l'État a droit à une partie de la richesse produite qu'elle perçoit soit à titre de rétribution due à l'utilisation par le producteur de la source naturelle qui appartient à l'État, comme le kharâj(20) imposé sur la terre, soit à titre d'obligation financière sur la richesse produite, comme le Khoms imposé sur la richesses extraites de la mer ou sur tout profit, après en avoir déduit les munitions de bouche.(21)

Le droit de l'État ou de la collectivité sur une partie de la richesse produite se justifie par leur besoin de couvrir leurs dépenses générales car le besoin, dans l'Économie islamique, est la deuxième base de la propriété.

De ce qui précède on peut remarquer que l'Économie islamique diffère des Économies capitaliste et marxiste. Ainsi, alors que le capitalisme considère le travail humain comme l'un des éléments de la production et qu'il le range au niveau de ces derniers en déterminant l'un et les autres en fonction de l'offre et de la demande, l'Islam, loin d'avoir une telle conception, fait du travailleur l'axe de la production et l'ayant droit et relègue les autres éléments - les outils et les instruments de production et les capitaux - aux rang d'auxiliaires au service du travailleur et de son objectif; ils ne confèrent pas à leurs propriétaires de droits sur la richesse que le travail a produit, mais uniquement un droit à une indemnité de louage payable par le travailleur-producteur. Quant au marxisme, il considère le travail comme la base de la plus-value dans la richesse produite, et la plus-value comme la propriété du travailleur qui l'a lui-même créée. Pour le marxisme, la collectivité n'a pas de droit sur une partie de la richesse produite, puisqu'elle ne participe pas à la création de la plus-value; un tel droit ne se justifiant pas par conséquent.

D'aucuns avaient tenté de justifier la propriété de la collectivité en considérant que celle-ci participe à la création de la plus-value par sa pratique historique et ses expériences successives qui sont antérieures au travailleur-producteur et qui lui sont transmises héréditairement ou socialement en contribuant à la formation de sa compétence en matière de productivité.

Mais on peut réfuter cette explication en faisant remarquer que les expériences historiques de la collectivité constituent certes un travail humain mais que ce travail n'est pas absorbé par la richesse produite. Car ce sont des expériences qui ne sont pas diminuées ou consommées par la richesse produite et qui ne s'y mêlent pas. Or le travail ne crée la plus-value que s'il est incarné dans la richesse produite, c'est-à-dire à la condition que celle-ci l'anéantisse et l'absorbe, et le travail ainsi anéanti et absorbé ne représente que l'effort déployé par le travailleur-producteur pour accomplir l'opération de production ou pour se préparer à l'accomplissement de cette opération.

Ainsi, seule l'Économie islamique de par sa nature humaine, fondée sur la croyance que Dieu est le Propriétaire général de l'Univers et que l'homme y est Son mandataire, peut justifier le partage de la richesse produite entre l'individu et la communauté, conformément à la logique du Coran.

Il ressort de ce qui précède que l'Islam désapprouve le système capitaliste de la production primaire et refuse l'acquisition d'un droit sur l'article produit selon ce système qui permet à un créancier de payer des salaires et de fournir les outils nécessaires à des travailleurs afin qu'ils entreprennent une opération de production d'un article dont la valeur devient propriété du créancier après déduction des salaires.

Il y a un seul cas où l'opération de production capitaliste n'est pas, selon certains faqîh (jurisconsulte), totalement abolie par la législation islamique: il s'agit du cas du contrat de plantation en vertu duquel le propriétaire de la terre conclut un accord avec le cultivateur qui possède les graines et partage sa récolte.

Il y a, toutefois, des éléments variables dans l'Économie islamique qui incitent à l'interdiction de ce genre de contrats, et qui s'appuient, pour ce faire, sur un hadith du Prophète, d'après lequel il est interdit d'exploiter la terre selon le mode capitaliste et que le propriétaire d'une terre doit choisir entre deux solutions: la cultiver lui-même ou permettre à un autre d'en bénéficier sans contrepartie.

En incluant un tel élément variable conformément aux pouvoirs du faqîh, la forme de l'Économie islamique se complète de ce côté et se débarrasse de toutes les formes de la production capitaliste.

RÈGLE 4 :

Dans l'Économie islamique, la répartition de la richesse produite lors de la production primaire se fait sur deux bases: le travail et le besoin. Toutes les formes de production capitalise en sont ainsi éliminées.

* * *

3- La Production secondaire et son Mode de Répartition

Nous allons maintenant étudier la production secondaire et son mode de répartition, dans le cas de deux sociétés différentes.

Le premier cas: c'est le cas d'une société dans laquelle l'opération de répartition primaire des sources de la richesse naturelle ainsi que les opérations de production primaire et des répartition de ses richesses produites ont été effectuées selon les règles déjà définies de l'Économie islamique.

Le seconde cas: c'est le cas d'une société dans laquelle ces différentes opérations n'ont pas été accomplies selon les exigences et les lignes générales de l'Économie islamique, ce qui a conduit à l'apparition de grands écartes entre les membres de la société en ce qui concerne la propriété ainsi qu'au déséquilibre social.

1) Dans le premier cas, toute opération de production secondaire signifie - selon la définition déjà donnée - qu'on veut développer un article déjà fabriqué lors de la production primaire, et qui est devenu la propriété du fabricant qui l'a produit - en vertu de la règle qui fait du travail la base de la propriété. En d'autres termes, il s'agit d'une opération de transformation du coton en papier, du bois en lit, du fer en instrument, etc. Cette opération de transformation s'appelle production secondaire.

Dans ce domaine, l'Islam n'autorise pas que la transformation de l'article en question se fasse indépendamment de la volonté du premier individu qui l'a possédé par son travail, car, ayant reconnu le premier travailleur comme propriétaire de la richesse qu'il a réalisée lors de la production primaire, il est normal qu'il lui donne le droit d'en disposer comme il veut.

L'Islam diffère donc du marxisme en ceci que ce dernier ne reconnaît pas au travailleur de la production primaire le droit d'être seul propriétaire de la richesse qu'il a réalisée, mais qu'il lui reconnaît seulement le droit d'être propriétaire de la valeur d'échange qu'il a créée, c'est-à-dire de la valeur de la transformation de la graine en coton. Autrement dit, si un deuxième travailleur transforme ce coton en papier et, de ce fait, augmente sa valeur d'échange, il devient le propriétaire de la nouvelle valeur.

Cette conception marxiste qui consiste à limiter la propriété du travailleur à la seule valeur d'échange qu'il crée et non à la richesse dans son ensemble est erronée, puisqu'elle suppose que la valeur d'échange résulte dans sa totalité du travail, étant donné qu'elle stipule que le travailleur de la production primaire possède toute la valeur d'échange effective de l'article et que le travailleur de la production secondaire possède la valeur ajoutée que lui confère cette production.

Or, il est juste de considérer que la valeur d'un article est déterminée par son utilité et par sa rareté naturelle et que sa valeur augmente proportionnellement à la quantité de travail qu'il exige, car il s'agit là d'un facteur qui affecte sa rareté naturelle.

Toutefois, nous pouvons remarquer que la rareté naturelle de la quantité d'or dans le monde par rapport à celle de l'argent rend le premier métal plus cher que le second, bien que sa production ne nécessite pas plus de travail. Il y a donc une rareté qui émane de la nature et de la quantité de travail que nécessite la production et une autre rareté qui a pour origine les conditions naturelles elles-mêmes. Les deux types de rareté participent donc à la détermination de la valeur d'échange. Par conséquent, si nous limitons la propriété du travailleur à la valeur qu'il crée, cela ne justifierait pas sa possession de l'intégralité de la valeur d'échange qu'il a produite.

Ainsi, l'Islam considère qu'il est erroné de limiter le résultat du travail à la possession de la valeur d'échange et qu'il est plus juste de faire du travail la base de l'appropriation de la richesse, ce qui signifie que le producteur du coton devient le propriétaire de la matière qu'il s'est approprié par son travail productif, et non pas seulement de la valeur de marché qu'il lui a donnée. Dans un tel cas, c'est le travailleur, producteur du coton, qui conserve l'initiative de la production secondaire et qui peut théoriquement effectuer lui-même celle-ci, pour confirmer ainsi sa possession intégrale de l'article. Mais il peut également autoriser un autre travailleur à se charger de la production secondaire, auquel cas, il peut soit partager avec lui la valeur de l'article produit - sur la base d'une indemnité - soit lui payer en salaire équitable pour compenser son travail. Et c'est à l'État qu'il appartient de définir les modalités de tels accords pour en éliminer toute velléité de monopole.

Et évaluant la valeur du travail selon la base d'un pourcentage du prix de l'article ou d'un salaire fixe, l'État doit faire abstraction de la rareté artificielle provoquée par le monopole, telle qu'on la rencontre dans les sociétés capitalistes. Dans ces sociétés, les matières premières sont accaparées par les capitalistes pour en faire des denrées rares dans le marché de la production secondaire alors que le travail devient une marchandise abondante puisque, d'une part, le monopole n'y intervient pas parallèlement à son intervention qui avait provoqué la rareté des matières premières et que, d'autre part, le travailleur a besoin d'offrir ses services sur le marché à n'importe quel prix qui lui assure le minimum nécessaire pour survivre.

Avec l'élimination de la rareté artificielle provoquée par le monopole apparaît la valeur réelle du travail et disparaissent, progressivement et d'une façon naturelle, les traces de la production capitaliste dans les opérations de production secondaire où est réalisée la plus grande partie du bénéfice capitaliste, grâce au facteur de la rareté artificielle que provoque le monopole et qui confère au capital une part, dans l'article produit, largement supérieure à celle du travail effectué pour sa production.

Il est à noter à cet égard que, dans l'Économie islamique, les conditions de production primaire et de répartition de la richesse qu'elle engendre, empêchent l'apparition des symptômes du capitalisme et de ses contradictions dans le domaine de la production secondaire. Car l'individu ne peut acquérir ni de grandes quantités de matières premières ni de grandes sommes d'argent susceptibles de servir à en acheter dans le marché, ce qui lui ôte toute possibilité de créer un monopole et de pratiquer un mode de production capitaliste.

La grandeur de l'Islam s'affirme donc en ceci qu'il conçoit la société de façon à l'immuniser, dès le début, contre les symptômes de l'exploitation capitaliste et de l'enrichissement aux dépens des autres, tout en conservant au travailleur son droit naturel de disposer de la richesse qu'il produit.(22)

Quant aux instruments et moyens de production qui sont utilisés dans l'opération de la production secondaire, leur rôle est tout à fait identique à celui qu'ils jouent dans l'opération de production primaire, c'est-à-dire qu'ils ne permettent pas d'acquérir le droit de propriété sur l'article produit mais qu'ils sont considérés comme «serviteurs» du producteur et doivent être indemnisés en tant que tels.

Dans l'Économie islamique, d'une manière générale et théoriquement, l'évaluation du prix du louage des moyens de production se fait sur la base de l'indemnisation de l'usure subie par l'outil. C'est pourquoi l'Islam refuse la rétribution prélevée par les capitalistes-usuriers sous le couvert d'intérêts, étant donné que le capital monétaire ne subit aucun dégât lorsqu'il est prêté puis rendu intégralement.

Si le prix des capitaux en nature, tels que les instruments et les outils de production est très élevé dans les sociétés capitalistes, c'est à cause de la rareté artificielle que crée le monopole capitaliste autour de ces instruments. C'est pourquoi l'État islamique, qui rejette le monopole sous toutes ses formes, doit s'orienter vers l'élimination d'une telle rareté artificielle afin de limiter les prix des moyens de production.

2) Passons au second cas, c'est-à-dire celui d'une société qui n'a pas suivi les directives de l'Économie islamique lors de la production primaire. Nous y rencontrons des individus qui ont pu, à travers les circonstances exceptionnelles des opérations de la distribution précédente, bénéficier de situations monétaires qui leur permettent d'accaparer de grosses quantités de matières premières de la production secondaire, soit directement, soit en les achetant aux producteurs, ce qui ne manquerait pas d'exposer les opérations de production secondaire à toutes les formes d'exploitation capitaliste, en laissant le monopole des matières premières entre les mains de quelques individus qui imposeraient leurs volonté aux travailleurs de la production secondaire.

Dans ce domaine, l'État doit intervenir pour combattre ce monopole et pour l'empêcher d'affecter les prix et ce, en fixant ceux-ci. Il doit également rétablir l'équilibre social en recourant au secteur public et en limitant l'activité des entreprises privées de la production secondaire de façon à les empêcher de contrôler la vie économique et d'entraver les principes de la justice sociale islamique.

RÈGLE 5

Tout bien qui est l'objet d'une opération de production secondaire, demeure la propriété du travailleur qui l'a possédé du fait de son travail lors de la production primaire et tant qu'il n'existe pas, entre le propriétaire originel et tout autre individu, un accord qui modifie ce statut.

RÈGLE 6

L'État doit fixer le prix du louage des moyens de production ainsi que le montant de la rémunération du travail et s'acheminer vers l'élimination du facteur de la rareté artificielle provoquée par le monopole.

RÈGLE 7

Chaque fois que l'équilibre social se trouve menacé, dans des circonstances exceptionnelles, par les facteurs que nous avons mentionnés plus haut, l'État doit prendre conformément à ses pouvoirs, les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir cet équilibre.

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TROISIÈME PARTIE

L'ÉCHANGE ET LA CONSOMMATION

(ou LA GESTION DES BIENS)

1- L'Échange:

Le phénomène de l'échange dans les sociétés humaines provient du fait que, même au sein des société les plus élémentaires, l'individus ne peut habituellement pas couvrir par la production directe tous ses besoins de consommation, ni consommer tout ce qu'il produit. Dès lors est née la tendance à la répartition du travail et à la spécialisation. Les membres de la société se sont rendu compte des vertus de la répartition et de la spécialisation et de leurs effets positifs sur la bonification et l'amélioration continuelles du travail. L'homme commence, en vertu de la répartition du travail, à produire un article donné en quantités supérieures à ses besoins afin qu'il puisse l'échanger contre d'autres articles dont il a besoin et qui sont produits par d'autres individus.

Au début, l'échange se faisait sous forme de troc: le producteur d'un article donné en offrait le superflu à un autre producteur contre d'autres articles produits par ce dernier et dont il avait lui-même besoin. Ainsi, les deux contractants d'un accord de troc étaient à la fois producteurs et consommateurs; en d'autres termes, la production était équilibrée par une consommation équivalente.

D'autre part, le producteur n'avait pas intérêt à conserver en nature la richesse qu'il produisait, car, d'une part, tout article se dévalorise avec le temps et, d'autre part, pour satisfaire ses autres besoins de consommation, l'homme devait soit les produire lui-même, soit en produire d'autres pour les troquer contre ce dont il avait besoin. Autrement dit, la production était uniquement un moyen de satisfaire les besoins.

Quant au troc lui-même, il n'est pas un moyen de gagner ce dont on a besoin, mais seulement un moyen d'échange pour obtenir ce dont on a besoin, ce qui veut dire qu'il ne procure pas à l'individu une nouvelle richesse, mais lui assure la satisfaction de ses besoins en lui offrant la possibilité d'échanger la part de sa production dont il n'a pas besoin contre ce dont il a besoin des produits des autres.

Trois phénomènes dominent donc l'opération de l'échange à l'ère du troc. Ce sont schématiquement:

1) La production était indissociable de la consommation.

2) L'accumulation continuelle des produits n'était pas possible.

3) L'échange lui-même ne permettait pas à l'individu de réaliser un gain.

L'apparition de la monnaie - comme instrument général d'échange et de détermination des valeurs des articles - a affecté beaucoup ces phénomènes. Ainsi, en ce qui concerne le premier d'entre eux, le producteur eut désormais la possibilité de vendre son produit contre de l'argent et d'ajourner l'achat d'un autre article destiné à sa consommation. La production, par conséquent, se trouvait dissociée de la consommation.

En ce qui concerne le second phénomène, on a constaté qu'il est souvent possible de mettre son argent de côté, sans risque de le voir se dévaluer. La monnaie devient donc un moyen d'épargne et de thésaurisation; la possibilité de monopoliser est, par conséquent, acquise.

Quant au troisième phénomène, dorénavant l'opération d'échange offre elle-même des possibilités de gain. Car il suffit à l'homme d'avoir assez d'argent pour qu'il puisse acheter une grande quantité d'un article et la revendre par la suite à des prix monopolistes, réalisant ainsi un nouveau gain qui résulte des deux opérations d'achat et de vente indépendamment de toute production de richesse réelle. Pis encore, la monnaie elle-même, par les pouvoirs qu'elle a acquis dans la vie économique, est devenue un article demandé non pas pour la consommation, mais pour l'investissement. Ceux qui ont pu se procurer de grosses sommes d'argent se sont appliqués à l'accaparer pour le «vendre» à crédit à une valeur supérieure. D'où la naissance de l'usure et l'ouverture de marché capitalistes de prêts usuraires.

L'Islam considère que cette déviation de la société - dans le domaine de l'échange - des trois phénomènes originels que nous venons d'exposer, menace la sécurité de la société, met fin à son équilibre social et détourne les opérations économiques de leur but naturel. Pour cette raison l'Économie islamique est en mesure de mettre au point, grâce à ses éléments variables et immuables, une politique capable d'éviter cette déviation par tous les moyens appropriés. Elle a également dénoncé l'usure et prohibé catégoriquement l'intérêt. Car l'intérêt provenant des prix monopolistes de l'argent n'est pas une rétribution du dommage subi pendant le travail. Lorsque vous utilisez la charrue que vous louez, vous usez une partie de la capacité de travail qu'elle possède et qu'elle aura perdue quand vous la rendez à son propriétaire. Il est donc naturel de payer à celui-ci une rétribution convenable. Mais lorsque vous empruntez une somme d'argent pour financer un projet et que vous la rendez par la suite à votre créancier, l'argent reviendra chez son propriétaire sans avoir perdu de sa valeur pendant son utilisation. La rétribution - ou l'intérêt - n'est donc ici que l'expression du prix monopoliste de la monnaie. L'Islam a également prohibé la thésaurisation et l'accumulation de la monnaie.

Dans de nombreux cas il a imposé des impôts sur l'argent thésaurisé, pour que celui-ci ne se détourne pas de son rôle naturel de moyen de facilitation de l'échange entre les produits, vers un rôle monopoliste servant de moyen d'accumuler et de monopoliser la richesse et d'en décider par conséquent le prix.

Aussi l'Islam s'est-il acheminé vers l'abolition des opérations parasitaires de l'échange, lesquelles dissocient la production de la consommation, et vers l'interdiction de la vente d'une marchandise avant de l'avoir possédée. Il a donné au métier de commerçant un sens qui implique le travail et l'effort, et n'a pas autorisé l'individu à acheter une utilité à un prix pour la revendre à un prix supérieur s'il n'a pas effectué un travail qui justifie cette augmentation.

Dans les éléments immuables de l'Islam, se trouve un texte fort explicite à cet égard, concernant les utilités. Mais il est probable qu'il n'y ait pas un texte similaire concernant l'échange des articles et des biens, car ce type d'échange signifiait habituellement le travail et l'effort dont il ne pouvait pas se passer dans les circonstances historiques contemporaines de la période de la promulgation de la législation islamique. L'opération commerciale était, en effet, indissociable, à cette époque-là, des opérations du transport de l'article, de sa mise à la distribution de l'acheteur dans un endroit convenable, de son emmagasinage et de sa conservation. C'est pourquoi nous avons fait remarquer dans le livre précédent que l'Imam Amir al-Mou'minine 'Alî avait défini l'identité des commerçants comme suit: «Ils sont les origines des profits et la source du confort. Ce sont eux qui les (marchandises) apportent des pays les plus lointains et les plus reculés sur la terre et sur la mer, dans tes plaines et dans tes montagnes, et là où d'autres hommes n'oseraient pas les rechercher».

Pour cette raison, l'Économie islamique, en ce qui concerne l'échange des articles et des biens, doit s'orienter grâce à ses éléments mobiles vers la même direction qu'avaient suivi les éléments immuables dans le domaine de l'échange des utilités.

RÈGLE 8

Il est interdit d'amasser et thésauriser l'argent.

RÈGLE 9

Il faut s'orienter vers l'interdiction de tout gain résultant des prix monopolistes de l'argent, y compris des intérêts usuraires.

RÈGLE 10

La politique économique de l'État islamique est orientée vers la réduction du fossé séparant le producteur du consommateur et tend à éliminer de l'opération de l'échange, la possibilité de gain qu'elle pourra offrir indépendamment de la production et du travail.

2- La Dépense des Biens:

De même que l'Islam a posé des restrictions sur l'échange des biens, il a également restreint la dépense relative à la satisfaction des besoins en prohibant le gaspillage. La prohibition du gaspillage et des prodigalités représente, en fait, une limitation quantitative des dépenses de la vie. Dans la société islamique, personne n'a le droit de dépasser les limites habituelles de niveau de vie en vigueur. Le dépassement de ces limites est considéré comme des prodigalités que l'État doit interdit.

C'est là une des deux mesures que prend l'Islam pour éliminer les grands écarts entre les niveaux de vie. La seconde mesure est celle qui vise à relever le niveau de vie des pauvres pour atteindre la moyenne générale du bien-être. Par ces deux mesures l'Islam tend à réaliser un équilibre social entre les niveaux de vie de tous les membres de la Communauté malgré la différence de leurs revenus.

Ainsi, les prodigalités, tel que nous venons de le voir, sont relatives et varient selon le degré du bien-être général de la société: plus ce degré est élevé, plus les dépenses nécessaires pour atteindre le seuil des prodigalités augmentent. C'est dire que ce qui est considéré comme prodigalités dans une société donnée ne le serait pas dans une autre société ayant un niveau de bien-être supérieur. Quant au gaspillage, l'Islam propose, pour y pallier, une limitation qualitative des dépenses. C'est pourquoi il n'autorise pas la dépense en vue de satisfaire des caprices inadmissibles et des désirs considérés comme frivoles par la norme islamique, tels que l'élevage des chiens, les jeux et d'autres enfantillages.

Tout en interdisant à l'individu les différentes formes des prodigalités et du luxe, l'Islam a encouragé en revanche le fidèle à offrir ce qui excède ses besoins raisonnables à la communauté et à la cause de Dieu. Dieu - Il est Élevé - a dit ce propos:

«Ils t'interrogent au sujet des aumônes; dit: Donne votre superflu».

Il est imposé également aux individus la responsabilité de la solidarité sociale en obligeant tous les nantis de la société islamique à y subvenir aux besoins de nécessiteux et à prendre en charge les pauvres et les invalides.

Pour faciliter l'application de ces mesures, l'Islam a recouru à l'éducation spirituelle et doctrinale en vue de créer un terrain approprié. En d'autres termes, il s'efforce de détourner l'homme de sa tendance à la dépense effrénée pour se désirs, ses caprices et pour un style de vie somptueux, et de le réorienter vers des préoccupations se rapportant aux grands problèmes de l'humanité et aux responsabilités que lui confère le «Khilâfah de l'homme sur terre».

L'éducation islamique, unique en son genre, a pu ainsi créer une atmosphère spirituelle et un terrain intellectuel propices à cette transformation grandiose dans l'orientation de la dépense, ses raisons et ses objectifs, à tel point que l'Islam s'est vu contraint de fixer des limites à la dépense pour la cause de Dieu, ceci afin d'empêcher les fidèles de consacrer tout ce qu'ils possèdent à cette cause. En effet, Dieu dit à cet égard:

«Dépensez vos biens dans le chemin de Dieu; ne vous exposez pas, de vos propres mains, à la perdition. Accomplissez des oeuvres bonnes; Dieu aime ceux qui font le bien».

Dieu dit également:

«Ne porte pas ta main fermée à ton cou et ne l'étends pas non plus trop largement, sinon te tu retrouverais honni et misérable».

RÈGLE 11

Le niveau de vie de l'individu ne doit pas dépasser de beaucoup le niveau du bien-être général de la société. L'État doit en faire l'évaluation et prendre les mesures nécessaires pour empêcher les prodigalités.

QUATRIÈME PARTIE

LES RESPONSABILITÉS GÉNÉRALES

DE L'ÉTAT

On peut limiter les responsabilités de l'État islamique dans la vie économique de la société à deux grandes lignes:

1- Appliquer les éléments immuables de l'Économie islamique.

2- Formuler les éléments mobiles selon les conditions de la réalité sociale et à la lumière des indications islamiques générales que nous avons mentionnées et détaillées précédemment.

De ces deux grandes lignes se ramifient en de nombreuses responsabilités secondaires telles que les responsabilités de la sécurité sociale et de l'équilibre social, la responsabilité de prendre un soin particulier du secteur public et de l'exploiter à fond, de contrôler l'ensemble de l'activité productive dans la société et de présenter les directives nécessaires à cet égard afin d'éviter les problèmes de l'anarchie dans la production et de mettre au point une politique économique visant à développer le revenu total de la société dans le cadre des formules législatives qui sont du ressort du juge légal, et enfin la responsabilité de protéger les vraies valeurs de l'échange des marchandises et des différentes formes du travail en luttant contre le monopole dans tous les domaines économiques.

La responsabilité de la sécurité sociale s'appuie essentiellement sur la croyance de l'Islam dans le droit de toute la communauté de bénéficier des richesses naturelles. De ce droit naît la responsabilité directe de l'État de garantir à tous les membres de la société un niveau de vie convenable, ceci en offrant la possibilité de travail à tous ceux qui sont à même de travailler et en prenant en charge les invalides et ceux qui ne trouvent pas de travail.

Le crédit alloué par l'Islam à la sécurité, afin de permettre à l'État de s'acquitter de ses responsabilités à cet égard, est représenté - en plus des obligations fiscales imposées aux individus, telles que le Zakât et le Khoms - par le secteur public que l'Économie islamique crée et dont les fonds doivent subvenir, sur ordre du mandataire, aux besoins des nécessiteux de la société. Dieu dit à ce propos:

«Vous n'avez pas fourni ni chevaux, ni monture pour vous emparer du butin pris sur eux et que Dieu destine à Son Prophète. Dieu donne pouvoir à Ses prophètes sur qui Il veut. Dieu est Puissant sur toute chose». (Coran, 59 : 8)

«Ce que Dieu a octroyé à Son Prophète comme butin pris sur les habitants des cités appartient à Dieu et à Son Prophète, à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, aux voyageurs afin que ce ne soit pas attribué à ceux d'entre vous qui sont riches. Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit. Craignez Dieu! Dieu est terrible dans Son Châtiment». (Coran, 59 : 7)

Quant à la responsabilité de l'équilibre social, elle signifie:

1- Assurer un minimum d'aisance et de bien-être à tous les membres de la société en élevant les bas niveaux de vie au niveau de ce minimum.

On attribue à l'Imam Mûsâ ibn Ja'afar les propos suivants sur la définition de la responsabilité du wâli(23) sur les fonds du Zakât: «Le wâli doit diviser ces fonds, conformément aux indications de Dieu, en huit parts, et les distribuer entre les pauvres et les indigents de façon à ce que rien ne leur manque durant toute l'année. S'il en reste un surplus, le wâli le garde; mais si les fonds distribués s'avèrent insuffisants, il doit dépenser de sa caisse pour couvrir tous leurs besoins».

Ce texte indique avec précision que l'objectif final que l'Islam tente de réaliser - en en confiant la responsabilité au Mandataire - est d'élever le niveau de vie de tous les individus de la société.

2- Limiter les dépenses et interdire de dépasser largement le niveau de vie convenable de bien-être que l'on peut assurer à la société, conformément à la Règle 11.

Ces deux mesures sont à même de réaliser l'équilibre social en matière de niveau de vie.

3- Empêcher la monopolisation de la richesse et l'entassement des biens chez une couche particulière de la société, et s'efforcer de créer des possibilités de travail et de production pour tous.

Il apparaît donc, à la lumière des règles de l'Économie islamique que nous venons de souligner que le développement naturel de la société islamique dans le cadre d'une économie saine, ne permet pas l'apparition du phénomène de monopole et d'accumulation que l'on voit dans la société capitalise et qui polarise la vie économique.

C'est donc par une application saine des règles de l'Économie que l'État parvient à prévenir les symptômes de ce phénomène et à préserver l'équilibre social. Mais si ce phénomène venant à disparaître en raison d'une erreur d'application de ces règles lors d'une étape antérieure, l'État, conformément à ses pouvoirs, doit prendre les mesures nécessaires pour rétablir l'équilibre social. C'est ce qu'à fait le Saint Prophète de l'Islam lorsqu'il y a eu une défaillance dans l'équilibre social à Médine où une grande disparité et un grand écart s'étaient creusés entre le niveau financier relativement bon des Partisans et celui, beaucoup plus faible, des Emigrés qui s'étaient exilés de leur gré, laissant leurs maisons pour la plupart et leurs biens à l'ennemi. Le Saint Prophète de l'Islam a pris alors des mesures pour rétablir l'équilibre en ordonnant à ceux dont les revenus et la situation économique étaient au-dessus de leurs besoins, d'en dépenser le surplus pour les autres. Le secteur public joue un grand rôle dans ce domaine.

En ce qui concerne la responsabilité de l'État de prendre un soin particulier du secteur public, elle provient du fait que ce secteur représente un dépôt confié à l'État qui doit le protéger et réaliser les objectifs divins expliqués dans le verset d' «Al-Faï». Le mandataire est donc tenu de veiller sur ce secteur et de recourir aux moyens scientifiques les plus modernes pour le développer, le réformer et pour augmenter le niveau de sa productivité au point de devenir une grande force capable d'acheminer la vie économique vers ses objectifs islamique avisés.

L'extrait (ci-dessous) de la lettre que l'Imam 'Alî, Commandeur des croyants, adressée à Mâlik al-Achtar qu'il venait de nommer gouverneur de l'Égypte, demeurera un exemple vivant de cette vérité: «Que ton intérêt pour l'exploitation des terres soit encore plus grand que pour le recouvrement de l'impôt...».

La responsabilité de contrôler l'ensemble de l'activité productive émane de l'obligation d'appliquer la politique islamique dans le domaine de la production et de garantir la production des articles de première nécessité de façon à satisfaire les besoins de toute la communauté sans gaspillage dans la production. Car de même qu'il est défendu à l'individu de gaspiller dans ses dépenses, de même il est interdit à la société de gaspiller dans les siennes.

Il est évidant que si l'opération de production n'est pas fondée sur un axe susceptible de l'orienter et si elle n'est pas basée sur des statistique scientifique précises, elle tend au gaspillage à cause de la qualité ou de la quantité de l'article produit. Aussi, la mise au point d'une politique économique de développement économique et d'augmentation du niveau de la production est considérée comme un devoir de l'État dans les limites de ses pouvoirs. Car la force économique devient l'une des plus grandes forces sociales dont dépendent la puissance de la société et sa résistance sur la scène internationale. Dieu a dit:

«Préparer, pour lutter contre eux, tout ce que vous trouverez de forces et de cavaleries, afin d'effrayer l'ennemi de Dieu et le vôtre en dehors de ceux-ci, mais que Dieu connaît».

Ce verset ne vise pas ici la force militaire seulement, mais toute force, notamment économique, susceptible de donner à la communauté une image qui inspire la crainte chez les sociétés jahilites qui la guettent et conspirent contre elle.

Quant à la responsabilité de l'État dans la sauvegarde des vraies valeurs de l'échange de articles et de différentes formes de travail, elle émane du principe selon lequel la vraie valeur d'échange provient de l'utilité de l'article pour le besoin de l'homme et du facteur de la difficulté du travail, car plus l'article exige de travail ou plus il exige d'efforts difficiles et plus le degré de sa rareté augmente. Entre également dans ce facteur la quantité naturelle de la matière dans le monde, car l'or peut avoir plus de valeur que l'argent tout simplement parce que, dans la nature, les mines d'or sont plus rares que les mines d'argent.

En ce qui concerne le facteur de la rareté créée par le monopole et la mainmise de individus sur le niveau de l'offre et de la demande, il contribue à la détermination du prix effectif de l'article (ou du salaire effectif du travail); mais il s'agit d'un prix artificiel qui ne correspond pas à la valeur d'échange définie objectivement; autrement dit, c'est un prix à la formation duquel la volonté de l'homme d'exploiter les autres est intervenue.

Ainsi, l'Islam distingue entre la valeur et les prix effectifs. L'État sous l'Islam doit s'efforcer, dans les différents domaines de la vie économique, de préserver aux articles et aux formes du travail leur valeur d'échange réelle déterminée par l'utilité et le facteur de la rareté naturelle et d'empêcher les prix du marché de dévier de ces valeurs (que ce soit dans le sens de la hausse ou de la baisse), déviation qui pourrait avoir pour cause la rareté artificielle créée par les monopoles et les monopolisateurs.

L'Imam Amir al-MouminineAli a écrit à propos des commerçants à Mâlik al-Achtar: «Tu dois savoir, cependant, que beaucoup d'entre eux sont d'une dureté inhumaine et d'une avarice sordide, qu'ils accaparent les profits et sont impitoyables en affaires, ce qui peut nuire au petit peuple et discrédite les gouvernants. Tu doit interdire l'accaparement, car le Messager de Dieu (que le Seigneur le bénisse ainsi que sa famille) l'a interdit. Que les ventes se fassent équitablement, avec des poids justes, et à des prix qui ne lèsent ni le vendeur ni l'acheteur. Quiconque se sera rendu coupable d'accaparement, après ton interdit, punis-le pour l'exemple et châtie-le sans excès».

RÈGLE 12

L'État doit appliquer les éléments immuables de l'Economie islamique et en préciser les éléments mobiles conformément aux indications générales de l'Islam

Règle 13 :

En appliquant les éléments immuables et les éléments mobiles, l'Etat doit réaliser :

1) La sécurité sociale garantissant un minimum de bien-être à tous les membres de la société.

2) Un équilibre social dans le niveau de vie, en rapprochant les différents revenus et en empêchant le monopole et l'entassement des biens.

3) Une exploitation maximale du secteur public, tout en mettant au profit une politique générale de développement économique.

4) Un travail constant tendant à ramener les prix des articles et les formes du travail vers leurs valeurs d'échange réelles, en résistant au monopole dans tous les domaines de la vie économique.

* * *

A la lumière de ce qui précède dans ce livret et dans le livret précédant, vous pouvez vous faire une idée précise de la vie des fidèles dans la Société islamique, de la justice et du bien-être qu'elle comporte, des objectifs et des valeurs grandioses qui l'animent, et enfin de cette foi qu'elle implique et qui forge le vrai révolutionnaire.

Concluons cet exposé par quelques phases de Prières de l'Iftitâh, qui incarnent l'image grandiose de la société islamique, sous forme de prière et d'invocations adressées à Dieu et l'implorant de faire réapparaître l'Imam al-Mahdi, afin que celui-ci réalise l'application de cette image et applique les principes de l'Islam dans la réalité de la vie:

Seigneur,

rassemble, par sa réapparition nos débris,

colmate notre brèche,

efface notre humiliation, satisfait notre besoin,

acquitte notre dette,

pallie à notre pauvreté,

comble-nous de ce qui nous manque

lève nos difficultés

libère-nous de notre captivité,

accomplis nos promesses,

satisfais à notre demande et exauce

nos espoirs dans ce bas monde et dans l'au-delà,

O Toi, le Meilleur Responsable

et le Plus Généreux des donateur!

Najaf, 10 Rabï al-thâni, 1399 (hégire)

Sayyed Mohammad Baqr al-Sadr

TERMES TECHNIQUES ISLAMIQUES

- Ançar (sing. Ançârî): les Partisans (les Médinois qui ont soutenu le Prophète lorsqu'il a émigré à Médine)

- (al) hâkim al-char'î (m.): le gouverneur légal (gouverneur qui jouit d'une légitimité islamique pour exécuter ou prendre des décision conformes à la Loi).

- (al) Char'a (f.): la Loi islamique, la Législation islamique révélée.

- hemâ (m.): (équivalent approximatif en français: protectorat): le fait de s'approprier ou de contrôler une source naturelle, une richesse naturelle, un terrain, etc. par la simple mainmise et sans aucune autre justification.

- hukm char'î: jugement légal ou statut légal (conforme à la législation islamique).

- ijtihâd (m.): ce mot a pour racine le verbe «jahada» qui signifie faire un effort. Mais le sens courant et effectif est le fait de déduire (par un effort soutenu) des décrets et des jugements islamiques à partir des sources de la Loi (la Charî'ah).

- Khalîfah (m.): le Mandataire de Dieu sur terre, c'est-à-dire l'Homme à qui Dieu a confié le Mandat de gérer la terre.

- Khilâfah (f.) (sens courant Califat, dignité de Calife): Mandat que Dieu a donné à l'Homme (à travers ses prophètes) pour le représenter sur la terre, laquelle appartient, ainsi que tout ce qu'elle contient, à Dieu.

- (al) Muhâjirîne (m. plur.; sing. Muhâjîr): Émigrés (les Mekkois qui ont émigré à Médine avec le Prophète).

- mujâhidîne (m. plur.; sing.: mujahid): les militants musulmans, les soldats de l'Islam (cf. jihâd)

- Mujtahid (m.): celui qui pratique l'ijtihâd (voir ce mot), c'est-à-dire celui qui est capable, grâce au degré de ses connaissances en la matière, de déduire les décrets religieux à partir des Textes de la Loi islamique.

- raqabat al-mâl (f.) (sens littéral: la nuque d'un bien): la nue-propriété.

wali al-amr (m.): le tuteur légal, celui qui a la tutelle de ... (le gouverneur légal).

- walâyat al-amr (f.): dignité de wali al-amr (la tutelle).

- Zakât (f. ou m. en français; f. en arabe): aumône légale, dîme, impôt islamique équivalent à un dixième d'un gain ou d'un produit après déduction des dépenses nécessaires.

---------------------------------------------------------------   notes --------------------------------------------------



1. La nation musulmane

2. Jâhiliyyah: terme instauré par l'Islam pour désigner l'époque pré-islamique. Dérivé de la racine «J.H.L.»: ignorer, le terme jâhiliyyah connote une réalité où l'ignorance fait règle. Par extension, ce terme signifie aussi tout ce qui n'est pas islamique

3. Khilâfah : Lieutenance, mandat divin donné àl'homme.

4. Voir «Khilâfat de l'Homme...», même auteur

5. Fay: butin, biens, tributs qui échoient aux Musulmans vainqueurs des infidèles.

6. Partisan médinois du Prophète

7. Khilâfah: c'est le fait que Dieu a mandaté l'homme pour Le représenter sur terre.

8. Khalîfah: l'homme en tant que représentant de Dieu sur terre.

9. Matérialistes; non islamique

10. La totalité de la source d'une richesse naturelle.

11. Les Imams d'Ahl-al-Bayt

12. Les compagnons du prophète qui ont fui la Mecque pour Médine.

13. Voir à ce sujet «Khilafa de l'homme et Témoignage des Prophètes», même auteur.

14. Juriste musulman

15. Petit traité dans lequel le mujtahid (savant musulman habilité à interpréter les lois islamique) précise les devoirs, les obligations et les droits des fidèles.

16. Le Zakât et le Khoms : respectivement le dixième et le cinquième des bénéfices nets (après déduction des dépenses nécessaires à la vie) prélevés annuellement comme impôts islamiques.

17. Voir à ce propos «Khilâfah de l'homme et Témoignage des Prophètes», même auteur.

18. Traduction littérale: le col du bien = la nue-propriété

19. Terre appartenant originellement à des infidèles, et devenue propriété de l'Umma à la suite d'une conquête.

20. Une sorte d'impôt

21. Ce qui est nécessaire à l'homme pour subsister.

22. Ceci explique, sans doute, les propos suivants attribués selon Ibrahim ibn Muhammad à l'Imam al-Sadiq et rapportés par Hamma ibn Issa: «Personne n'a jamais pu amasser légalement dix mille dirhams». Ce qui revient à dire que l'Économie islamique, par l'ensemble de ses éléments, est faite de telle sorte qu'elle empêche l'individu d'amasser légalement cette somme d'argent. Notons que celle-ci ne doit pas être considérée comme un montant fixe d'argent, mais comme un bien donné dont la valeur est déterminée par rapport au pouvoir d'achat de l'époque et au total de la richesse de la société.

23. Le mandataire, le juge religieux, l'autorité islamique compétente.