LIGNES DÉTAILLÉES DE L'ÉCONOMIE

DE LA SOCIÉTÉ ISLAMIQUE

Mohamed Baqer El-Sadr

Traduit par :

Abbas Ahmad al-Bostani


Première édition : Bibliothèque Ahl-Elbeit, Paris, avril 1983

Éditeur

Abbas Ahmad al-Bostani

(La Cité du Savoir)

C.P. 712 Succ. (B)

Montréal, QC, H3B 3K3

Canada

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Table des Matières

Quels sont les éléments de la forme intégrale ? 12

EXPRESSIONS GÉNÉRALES 21

LES ASPECTS GÉNÉRAUX de la forme intégrale de l'économie de la Société islamique 25

PREMIÈRE PARTIE

LA DISTRIBUTION PRIMAIRE DES SOURCES DE LA RICHESSE NATURELLE 26

1- Les Sources de la Richesse naturelle 29

2- Les Biens Mobiliers 36

DEUXIÈME PARTIE : LA PRODUCTION ET LE MODE DE DISTRIBUTION DE SES PRODUITS 39

1- La Production et son importance dans l'Économie islamique 39

2- La Production primaire et la Mode de Distribution de ses Produits 43

3- La Production secondaire et son Mode de Répartition 48

TROISIÈME PARTIE : L'ÉCHANGE ET LA CONSOMMATION (ou LA GESTION DES BIENS) 58

1- L'Échange 58

2- La Dépense des Biens 64

QUATRIÈME PARTIE
LES RESPONSABILITÉS GÉNÉRALES DE L'ÉTAT 68

TERMES TECHNIQUES ISLAMIQUES 79


 

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Dans le livre précédent, il a été dit que, selon le principe du «mandat général» (al-Khilâfah al-'âmmah)(1) prôné par l'Islam, Dieu est le véritable et unique Propriétaire de l'Univers et de toutes les richesses que celui-ci contient et qu'Il (Dieu) en a délégué la propriété à l'homme, lequel a mérité cet honneur, puisqu'un tel mandat suppose que Son détenteur possède le sens de la responsabilité et inspire confiance et que l'homme est justement l'être terrestre qui se distingue par le sens de la responsabilité dont il est doté. Il est donc naturel que l'homme doive - du fait de son mandat - se comporter envers ce qui lui est confié d'une façon conforme aux prescriptions de Dieu qui l'a délégué auprès de l'univers et lui a confié toutes les richesses que celui-ci renferme.

En Islam, les statuts de la richesse représentent un aspect des prescriptions de Dieu. Et c'est par l'observation et l'application de ces prescriptions que l'homme-délégué peut s'acquitter des obligations du mandat dont il doit respecter les termes.

Mais ces statuts se présentent islamiquement sous deux formes : la forme islamique intégrale, la forme islamique limitée.

La forme intégrale, c'est la forme législative qui s'applique dans le cas d'une société intégralement islamique, fondée sur une base islamique et ayant un système économique et un régime politique qui s'inspirent totalement de la Loi révélée. Quant à la forme limitée, c'est la forme législative qui s'applique islamiquement dans le cas d'un individu pratiquant, personnellement soucieux de baser sa conduite et ses rapports avec les autres sur les fondements de l'Islam, mais vivant dans une société qui n'adopte pas celui-ci comme système de vie et qui applique des régimes sociaux et des idéologies non islamiques.

La différence entre les deux cas est grande, elle l'est conséquemment, entre les deux formes.

Les raisons de cette différence peuvent se résumer comme suit:

1- Un certain nombre de statuts immuables de la Loi islamique révélée ne peuvent pas être appliqués à l'individu en tant que tel et sont destinés à la société. De tels statuts n'ont pas de place dans la forme limitée qui réglemente la conduite économique de l'individu pratiquant alors qu'ils occupent une place essentielle dans la forme intégrale de l'économie de la société islamique. L'exemple en est l'obligation d'établir l'équilibre social dans la société islamique, de la façon que nous expliquerons plus loins. Cette obligation constitue un devoir pour la société et pour ceux qui en assurent la direction générale, mais n'a pas de signification pratique dans l'application religieuse purement individuelle.

2- Les indications islamiques générales qui constituent une base pour les éléments variables de l'Économie islamique, ainsi que les autres éléments variables qui en découlent, entrent dans la composition de la forme intégrale de l'économie de la Société islamique, alors qu'elles ne jouent très souvent aucun rôle dans la forme limitée - c'est-à-dire dans la conduite de l'individu pratiquant - car elles sont souvent liées à des formes législatives promulguées par le «tuteur» (walî al-amr) ou le gouverneur légal, conformément à ses pouvoirs légaux et en application de ses responsabilités de diriger la société à la lumière de ces indications.

Lorsqu'il ne s'agit plus de diriger une société, mais d'orienter un individu, la plupart de ces éléments variables ainsi que leurs formes législatives disparaissent. Exemple: les législations que le gouverneur légal doit formuler - conformément à ses pouvoir - pour lutter contre le monopole dans tous les domaines de la vie économique afin d'empêcher la pratique de la hausse de prix artificielle, provoquée par l'action de ce monopole sur les quantités de l'offre et de la demande, sont habituellement inhérentes au rôle dirigeant du gouverneur légal et deviennent sans effet dès lors qu'il s'agit du cas d'un individu pratiquant qui vit dans le cadre d'une société n'observant pas socialement les règles de l'Islam.

3- Le cas de l'individu pratiquant et vivant dans une société qui n'adopte pas l'Islam comme mode de vie, est un cas complexe et comporte une contradiction entre les obligations religieuses et les nécessités qui s'y opposent et auxquelles on ne peut pas suppléer dans ladite société. Très souvent des circonstances exceptionnelles apparaissent nécessitant des statuts exceptionnels différents de ceux qui s'appliquent normalement dans la forme intégrale de l'économie de la société islamique. Exemple: attitude de l'individu pratiquant vis-à-vis des banques gouvernementales dans une société dont le régime pratique l'usure et l'attitude de la Société islamique vis-à-vis des banques elles-mêmes. Dans le premier cas, le faqîh(2) pourrait autoriser l'individu pratiquant à percevoir les intérêts de l'argent qu'il a déposé dans les banques en les considérant comme propriété anonyme, et à les dépenser pour lui-même ou pour les pauvres; alors que dans le second cas, la société islamique refuse absolument la pratique de l'usure et n'autorise les bénéfices de la banque qu'en les liant au travail et à leur participation aux efforts productifs de la vie économique.

Ainsi, par ce qui précède, on peut constater combien les deux formes sont fondamentalement différentes. Cependant, dans la plupart des «Guide pratique du Musulman» (al-rasâ'ïl al-'amaliyah)(3), c'est habituellement la forme limitée qui est présentée puisqu'il s'agit, dans ces guides, d'orienter l'individu pratiquant désireux d'avoir une conduite conforme aux lois islamiques bien qu'il vive dans une société qui n'adopte pas l'Islam comme mode de vie.

C'est pourquoi, la forme qui ressort de ces guides ne suffit pas à traduire la vision intégrale de l'importance de l'Économie Islamique et de ses fruits qui devraient assurer le bonheur et le bien-être de l'humanité. Mais elle demeure, toutefois, indispensable car elle a pour but de permettre à l'individu pratiquant de :

1) obéir à son Seigneur et de s'acquitter de ses devoirs islamiques dans sa conduite personnelle;

2) préserver ce qu'il peut des règles islamiques, de les adopter dans la réalité de sa vie pour exprimer ainsi, d'une façon concrète, sa foi dans le Message divin, sa persévérance à considérer celui-ci comme le seul mode de vie adéquat et son refus tacite de tout autre système de vie;

3) de réaliser une part de la justice sociale, proportionnelle aux possibilités d'application qui lui sont offertes. La meilleure illustration en est sans doute le rôle humaino-divin joué, dans le domaine de la solidarité sociale et du secours des pauvres et des miséreux, par deux obligations islamiques: le Zakât et le Khoms(4). De nobles pratiquants tiennent en effet à s'acquitter de ces deux obligations financières bien qu'ils paient leurs impôts officiels; ils le font par acquit de conscience et par sentiment de responsabilité islamique envers tous les indigents et les opprimés de la terre, offrant ainsi un exemple concret de la solidarité sociale qui doit prévaloir entre les membres de la Communauté islamique.

Ceci dit, la présentation de la forme limitée ne dispense pas de présenter la forme intégrale qui s'applique islamiquement dans le cas d'une société désireuse de baser sa vie sur des fondements islamiques.


Quels sont les éléments de la forme intégrale ?

L'approche de cette question nous amène obligatoirement à débuter par l'analyse des rapports qu'établit l'homme dans l'exercice de sa vie économique et qui sont de deux types :

- D'une part, les rapports qu'il établit avec la nature en travaillant et en essayant de la maîtriser et d'en exploiter les richesses: ce type de rapports est habituellement incarné par l'opération de production sous les différentes formes qu'elle a prises au cours de l'histoire.

Ainsi, la simple pierre, la houe à main, le moulin à vent, l'instrument à vapeur et les moteurs électriques sont des formes de production traduisant les rapports variés qui peuvent s'établir entre la nature et l'homme qui, tout au long de l'histoire, a essayé de l'exploiter.

- D'autre part, ses rapports avec ses semblables qui partagent son droit à bénéficier de la nature et de ses richesses: ce type de rapports est habituellement représenté par l'opération de distribution sous ses différentes formes. L'esclavagisme, le féodalisme, le capitalisme, le socialisme et l'Économique islamique sont tous des formes de distribution et traduisent une diversité de rapports qui s'établissent entre les membres de la société afin de déterminer la façon positive ou négative dont ils partagent les richesses de la nature.

Le marxisme a lié à tort les formes de distribution aux formes de production en considérant celle-là comme une superstructure émanant inévitablement de celle-ci. Pour lui, tout rapport de production aboutit nécessairement à un rapport déterminé de distribution, lequel est approprié à la forme de production en cours et concourt à son développement, et lorsque les rapports de distribution, sous leur forme sociale, deviennent à un moment donné un obstacle face à la croissance de la production et que de nouveaux rapports de production et de nouvelles forces productives dont le développement nécessite une redistribution nouvelle apparaissent, les lois du matérialisme historique tendent à modifier l'équilibre social et à remplacer et à changer lesdits rapports de distribution par d'autres, qui sont à même de répondre aux nouveaux besoins de la production et de ses rapports.

C'est dire que c'est l'intérêt de la production, et non celui de l'homme, qui détermine et justifie les rapports de distribution et que toute forme de rapport de distribution est considérée comme juste et acceptable tant qu'elle va dans l'intérêt de la production. Le matérialisme historique a même considéré l'esclavagisme comme un système de distribution progressiste pendant l'étape où il servait l'opération de production.

Tout au contraire, l'Islam ne fait pas de l'intérêt de la production la base des rapports de distribution, mais établit ceux-ci sur des valeurs immuables, les valeurs humano-divines incarnées par «la Mandat de l'homme sur la terre» (khilâfah)(5) et visant à assurer le bon droit (al-haq), la justice, l'égalité et à défendre la dignité humaine. C'est pourquoi, l'Islam condamne les rapports de distribution basés sur l'exploitation et l'injustice, et ceci quels que soient le niveau et la forme de la production ; mieux encore, il ne se contente pas de condamner théoriquement ces rapports mais il les a effectivement abolis, dans des circonstances où les rapports de production étaient, selon la logique marxiste, à cent lieues de nécessiter la condamnation et l'extirpation d'un tel genre d'exploitation. De ce fait l'Islam lui-même, ainsi que son application, constituent un défi évident aux conceptions du matérialisme historique et aux valeurs du marxisme relatives à l'histoire et à l'économie.

Dans l'optique de l'Islam, l'évolution de l'expérience de l'homme avec la nature ainsi que ses progrès scientifiques doivent affecter continuellement les rapports de production. Etant donné que l'expérience scientifique de l'homme est en constant développement, il est tout naturel que son expérience et sa maîtrise de la nature s'accroissent progressivement et que ses outils et ses moyens de production s'améliorent sans cesse.

Quant aux rapports de distribution, il sont fondés, selon la conception islamique, comme nous l'avons signalé plus haut, sur des droits humains immuables et sur la logique du «Mandat de l'homme sur la terre» (Khilâfah). Pour cela, la forme de distribution ne change pas forcément et ne se renouvelle pas obligatoirement suivant la modification des rapports de l'homme avec la nature. Ainsi, lorsque l'Islam lie la propriété au travail et fait du travail et du besoin les deux bases de la propriété, en matière d'économie, il n'obéit ni à une nécessité circonstancielle ni à un souci d'enlever les obstacles dressés devant les forces productives, comme c'est le cas du marxisme qui voit dans la nationalisation la satisfaction de l'un des besoins des forces de production. Pour l'Islam, baser la propriété sur le besoin et le travail, c'est adopter un principe immuable dans les rapports de la distribution, valable aussi bien pendant l'ère de la production manuelle, que pendant celle du moulin à vent que pour celle du moulin à vapeur.

L'instrument - quel qu'il soit: une pierre, une charrue ou un outil complexe - dont se sert l'homme, n'apprend pas à celui-ci le sens de la justice ; au contraire, il pourrait l'amener à dévier de la voie de la justice sociale et à se détourner des lois du «Mandat de l'homme sur la terre» (Khilâfah).

Là réside la faille qui assujettit la législation, dans le domaine des rapports de la distribution à l'évolution des opérations de production et des rapports de l'homme avec la nature; car le développement de l'outil de production par certaines membres de la société ouvre les portes à l'exploitation. Il faut donc pallier à cela en protégeant la société par des législations supplémentaires, pour que l'évolution des forces de production n'affecte pas le bon fonctionnement et la justice de la distribution. Pour ce faire, les éléments de l'économie de la Société islamique se divisent en trois catégories:

- La première catégorie comprend les éléments immuables, ceux qui régissent les rapports de distribution conformément aux principes de la justice sociale et du «Mandat de l'homme sur la terre» (Khilâfah). Ces éléments sont exprimés, dans l'Islam, sous forme des lois mentionnées textuellement dans le Coran et dans la Sunna ou déduits de ces lois. L'exemple qui illustre cette catégorie d'éléments, c'est le fait de baser la propriété sur deux fondements seulement, le travail et le besoin, comme nous l'avons noté plus haut.

- La deuxième catégorie comprend des éléments variables concernant le domaine de distribution et l'organisation de ses rapports. Ces éléments sont nécessités par une éventuelle modification et complication des domaines de la production, et qui pourrait engendrer de nouvelles occasions d'exploitation. L'exemple de ces éléments, c'est la fixation, par le juge légal, d'un maximum à ne pas dépasser dans l'exploitation de la terre ou d'autres sources de la richesse naturelle, au cas où l'autorisation d'une exploitation illimitée pourrait, avec le développement matériel et mécanique de l'opération de production, conduire à l'apparition de formes de monopole et d'exploitation inadmissibles en Islam.

Font partie de cette catégorie, les éléments islamiques variables dont nous avons précisé, dans le livre précédant, les indications immuables dans la législation islamique.

- La troisième catégorie comprend des éléments variables relatifs à l'opération de production, à son amélioration et au développement de ses moyens et de son rendement. Ces éléments sont naturellement évolutifs, car il est absurde de supposer l'immuabilité des rapports de l'homme avec la nature, étant donné que ces rapports sont les produits de l'expérience humaine et que celle-ci évolue continuellement. La base de ces éléments est la recherche scientifique, les sciences positives et naturelles, y compris la science économique dans la mesure où elle a trait à la nature et aux lois naturelles de la production, telle la loi du rendement régressif, par exemple.

Ainsi, l'Islam a promulgué la première catégorie d'éléments sous formes de statuts immuables et a posé des indications générales permettant de définir la deuxième catégorie d'éléments. De cette façon, il a pu fixer les jalons de sa vision générale de la justice sociale et d'un mode de distribution sain dans la Société islamique.

Quant aux éléments de la troisième catégorie, que nous pouvons appeler des «éléments variables temporels» pour les distinguer des «éléments variables» précédents, leur définition est laissée aux études scientifiques et aux dernières découvertes auxquelles aboutira l'expérience humaine. Dans ce domaine, l'État, dans la Société islamique, doit tracer une politique économique de production, basée sur les éléments variables et inspirée desdites études, à condition que le buts de cette politique soient conformes à l'application et aux orientations islamique de la production. Ainsi, l'État doit-il, en traçant une politique de production, aplanir les obstacles naturels, en profitant des expériences et des réalisations de la science, et élaborer un plan d'orientation basé sur les méthodes statistiques. Il faut, en outre, que l'État élimine les obstacles politiques qui empêchent la société d'exploiter ses richesses et qu'il mette fin à tous phénomènes susceptibles de porter atteinte à la dignité de l'individu et à sa souveraineté sur ses richesses. Il doit, par exemple, élaborer des législations capables de libérer la Société islamique de toutes les formes de dépendance économique et lui permettre de reprendre le contrôle total de son économie.

Dans les pages suivantes, en exposant quelques lignes détaillées sur la forme intégrale de l'économie de la société islamique, nous visons principalement à mettre en exergue la première et la deuxième catégorie des éléments de l'économie de cette société, c'est-à-dire «les éléments invariables» et «les éléments islamiques variables à indications générales invariable».

EXPRESSIONS GÉNÉRALES

La propriété publique:

Ce sont les biens de l'État islamique ou l'État en sa qualité de représentant divin auprès de la communauté islamique (Umma).

La propriété de l'État:

C'est la propriété du Prophète ou de l'Imam ( en leur qualité de Mandataire désigné par Dieu). En l'absence de l'un et de l'autre c'est le gouvernement légal qui les représente et qui jouit légalement de leurs pouvoirs dirigeants.

La propriété de la Umma:

Ce sont les biens de la Communauté islamique (Umma) en sa qualité de communauté islamique et tout au long de son existence historique.

La nue-propriété (raqabat al-mâl)(6) :

Si le bien est une source de richesse naturelle, telle qu'une source d'eau, un fleuve ou un puits de pétrole, on appelle la source elle-même et l'ensemble de ce qu'elle contient (la source, la fleuve, le puits): raqabat al-mâl, pour la distinguer des quantités limitées de richesse qu'on en retire, c'est-à-dire l'usufruit.

Les biens communs:

Ce sont les richesses naturelles dont la propriété n'est attribué à personne ni à aucune partie et dont le droit d'usufruit est accordé à tous les membres de la société sans distinction, la raqabat (la source naturelle) conservant sa qualité de bien commun.

La propriété privée:

C'est le bien appartenant à un individu ou à une entreprise privée et dont le propriétaire n'est tenu de payer - en contrepartie de l'utilisation de ce bien - aucune indemnité, ni à la Umma ni à l'État.

Le droit de propriété :

C'est le droit qu'un individu acquiert dans le secteur de la propriété publique et en vertu duquel il a la priorité sur les autres de bénéficier de ce bien, la raqabah demeurant dans le cadre de la propriété publique.

Le droit public de l'Umma:

C'est le même droit de priorité que celui défini dans l'expression précédente, mais acquis par la Communauté islamique (Umma) conçue dans son ensemble et tout au long de son étendue historique. Ainsi, la Communauté islamique (Umma) acquiert ce droit dans le secteur de la propriété de l'État par exemple, celui-ci demeurera le propriétaire de la raqabat, alors que la Communauté islamique (Umma) aura le droit à la priorité.

Al-hemâ (la protection):

C'est l'acquisition d'une propriété ou d'un droit sur une source naturelle par la mainmise ou la possession.

La mise en valeur:

C'est le travail qui rend un site naturel effectivement exploitable. Ainsi, labourer la terre, effriter son sol et l'irriguer, mettent la terre en valeur. De même, découvrir un métal, accéder à ses mines et à ses veines et le rendre extractible constituent une mise en valeur du métal. Enfin, creuser la terre en vue de parvenir à une source d'eau est une mise en valeur de la source et ainsi de suite.

Le secteur public:

C'est tout bien qui fait partie de la propriété publique, ainsi que la raqabat dans les biens communs.

Le secteur privé:

C'est tout bien qui fait partie de la propriété privée.

La production capitaliste:

Au sens dogmatique, c'est le fait que la possession d'un bien déjà constitué donne à son propriétaire le droit à un gain obtenu sans travail. Nous l'appellerions également le «système capitaliste». Le bien déjà constitué peut être: argent liquide, terre ou moyen de production.

La production primaire:

C'est la production d'une matière naturelle dans laquelle aucun travail humain antérieur n'est accompli, telles que les industries extractives, la production agricole au cas où les graines n'étaient pas antérieurement la propriété d'un autre producteur, ainsi d'autres opérations similaire de production.

La production secondaire:

C'est la production dans laquelle le producteur transforme une matière déjà développée par l'homme et faisant partie, antérieurement, de la propriété d'un autre producteur, comme c'est le cas des industries de transformation telles que l'industrie textile ou la production de différentes sortes de machines.

 

LES ASPECTS GÉNÉRAUX

de la forme intégrale de l'économie

de la Société islamique

Nous allons maintenant traiter des aspects généraux de la forme intégrale de l'économie de la société islamique en classifiant comme suit les statuts de la richesse en Islam.

- Première partie: la distribution primaire des sources de la richesse naturelle.

- Deuxième partie: la production et le mode de répartition de ses produits.

1- La production et son importance dans l'Économie islamique

2- La production primaire et le mode de répartition de ses produits.

3- La production secondaire et le mode de répartition de ses produits.

- Troisième partie: la gestion des biens.

1- L'échange des biens et le bénéfice commercial basé sur les opérations de l'échange.

2- La consommation du fonds et sa dépense pour satisfaire les besoins.

- Quatrième partie: les responsabilités générales de l'État.

PREMIÈRE PARTIE
LA DISTRIBUTION PRIMAIRE DES SOURCES DE LA RICHESSE NATURELLE

Lorsque l'homme qui vit au sein d'une société voit les différentes richesses de la nature, il pense à s'emparer de tout ce qu'il peut pour le garder pour lui-même et en tirer le profit. Ainsi, il a envie de posséder la terre et les puits de pétrole, de couper le bois dans la forêt, de puiser l'eau dans le puits ou le fleuve, de transporter des pierres du désert ou de la montagne, de pêcher les poissons dans l'eau, de chasser les oiseaux dans l'air et ainsi de suite.

Tant qu'il vit dans une société, l'homme a des motifs qui justifient toutes ces formes de possession. Mais si l'on suppose que l'homme se trouve seul dans la nature, sans qu'il y ait un autre homme qui le concurrence, la situation changerait sûrement et la possession perdrait, dans un bon nombre des cas cités, ses motifs, en demeurant toutefois, dans d'autre cas, l'expression d'un acte naturel et raisonnable. Ainsi, dans les premiers cas, l'homme n'aurait aucun motif susceptible de l'amener à penser à la possession et au contrôle d'un fleuve naturel, étant donné que tout ce qu'il pourrait en espérer c'est de l'avoir à sa disposition pour s'en servir quand il en aurait besoin. Or, le fleuve est là effectivement, et il peut s'en servir à sa guise tant qu'il ne se sent pas menacé par un concurrent.

Mais dans tous les cas, il doit penser à transporter le bois de la forêt et l'eau du fleuve à sa maison ou à sa ferme, et donc à les posséder. Car il est évident que dans ce cas, la possession est une condition sine qua non de l'utilisation de l'eau et du bois et de leur usage à des fins personnelles.

On voit donc que la possession est, dans les premiers cas, une opération de monopole découlant de la concurrence et non un acte économique objectif, tandis que dans les derniers cas, c'est un acte économique qui n'est pas de nature monopolistique, même s'il peut aboutir au monopole.

Si nous examinons les cas où la possession constitue, par sa nature, un monopole, nous constatons qu'il s'agit du cas du contrôle des sources naturelles de la richesse, telles que la terre, les métaux et les sources d'eau. Quant aux cas où la possession constitue un profit de nature économique et non monopolistique, ce sont les cas de la possession de quantités limitées de richesse qu'on peut tirer de ces sources et des différents domaines de la nature.

Ainsi, chasser les oiseaux, pêcher les poissons, découper le bois dans la forêt, puiser l'eau dans le fleuve, extraire les perles de la mer et le pétrole des puits, conduisent à la possession et constituent des actes économiques.

Pour cette raison, la richesse naturelle se divise en deux catégories principales:

1- La première catégorie: les sources de la richesse naturelle comprenant la terre, les métaux, les fleuves, les cours et les sources d'eau.

2- La deuxième catégorie: les autres richesses naturelles dispersées dans les quatre coins du monde telles que les différentes sortes d'animaux, les plantes, les bois, les pierres ainsi que toute autre variété de richesses dont l'homme peut se servir en les possédant et dont la possession constitue un acte économique. Appelons cette partie de richesses «biens mobiliers» pour les distinguer des autres sources de la richesse qui sont des «biens immobiliers».

1- Les Sources de la Richesse naturelle

Les principales sources de la richesse naturelle sont:

1) La terre, ses forêts et ses surfaces naturellement cultivables ou dont la bonification nécessite une intervention humaine.

2) Les métaux et les minéraux: il s'agit de toute richesse naturelle se trouvant à l'intérieur de la terre ou au fond de la mer, telle que les puits de pétrole, les mines d'or, d'argent, de fer, etc.

3) Les source d'eau: fleuves, mers, lacs et sources d'eaux.

La première et la seconde catégorie de source de la richesse naturelle entrent dans le cadre du secteur public, lequel est propriété de l'État, tandis que la troisième catégorie fait partie des biens communs.

Pour ces trois catégories de sources, l'Islam n'autorise pas l'acquisition d'une propriété privée dans la raqabah - la source elle-même - laquelle demeure propriété de l'État, ou entre dans le cadre des biens communs.

L'Islam interdit également aux individus l'acquisition par le «hemâ». Le Prophète a dit à ce propos: «Le droit du hemâ ne revient qu'à Dieu et à Son Prophète».

Ceci est dû au fait que hemâ est une possession à caractère de monopole. Egalement, la possession d'une source naturelle ne donne pas au possesseur le droit d'en être le propriétaire, ni d'y acquérir sur elle un droit privé, car cette possession constitue un monopole et non pas un acte économique. Par contre, l'Islam a autorisé les particuliers à acquérir un droit privé, basé uniquement sur la mise en valeur, laquelle est un acte économique, et non un monopole, qui crée une occasion ou une possibilité d'exploiter et d'utiliser la source naturelle.

Ainsi, celui qui met en valeur une terre, en la labourant, en la débarrassant des roches et en l'irriguant, la rend exploitable. De même, celui qui met en valeur un métal, en creusant la mine de façon à pouvoir en extraire des quantités de ce métal, crée une certaine occasion d'exploitation: utiliser le métal et pouvoir en tirer profit.

De telles occasions d'exploitation, créées par l'effort humain lors de l'opération de la mise en valeur, deviennent la propriété de l'exploitant, lequel acquiert ainsi le droit d'utiliser la source naturelle et le droit de priorité (sur les autres) de bénéficier de l'occasion d'exploitation qu'il a créée par son propre travail. Mais cela ne signifie pas que raqabah deviennent sa propriété ou qu'il ait sur elle un droit privé. D'autres peuvent utiliser la même source en créant, par une autre opération de mise en valeur, une autre occasion d'exploitation.

Lorsque les aspects de la mise en valeur disparaissent, l'exploitation perd le droit de priorité et tout autre individu pourra, dès lors, remettre la source naturelle en valeur et remplacer le précédent exploitant.

En règle générale celui qui entreprendre la mise en valeur d'une source naturelle, n'a le droit ni de geler son exploitation, ni de faire preuve de laxisme en l'exploitant, ni de négliger de l'utiliser convenablement dans l'opération de production.

Quant à la fixation d'une clôture, c'est-à-dire le fait d'enclore un terrain au moyen de repères de pierres ou d'un mur, elle ne donne, à l'auteur de cette action, d'autre droit que celui d'avoir commencé une opération de mise en valeur.

Egalement la mise en valeur d'une source naturelle donne à l'exploitant le droit de priorité dans les limites de cette source seulement et ce droit ne s'étend pas à d'autres sources tant qu'il n'aura pas effectivement mis celles-ci en valeur. En d'autres termes, si un individu acquiert un droit de priorité sur une terre qu'il a mise en valeur en vue d'une exploitation agricole, il n'a pas le même droit sur les métaux et les autres richesses que cette terre renferme car l'opération de la mise en valeur agricole de la terre concerne uniquement l'exploitation agricole de cette terre et n'a pas de rapport avec les métaux et les mines qu'elle renfermerait et dont la mise en valeur nécessite un nouvel effort.

L'autorisation générale de mise en valeur et de droit de priorité, accordée aux particuliers, n'est qu'une des formes possibles auxquelles peut recourir l'État pour exploiter le secteur public et le mettre au service de l'économie. L'État peut recourir à d'autres formes d'exploitation du secteur, s'il les estime plus profitables à l'ensemble de la vie économique de la Société islamique.

Il est important de noter que la mise en valeur, qui donne droit de priorité, est basée sur un travail effectué directement. Autrement dit, la mise en valeur réalisée selon le mode capitaliste, qui consiste à employer des salariés en leur fournissant les outils nécessaires à cette opération, ne permet pas d'acquérir ce droit. Le capital qui couvre les salaires et les frais d'utilisation des outils et qui est dépensé lors de la mise en valeur ne donne pas de droit sur la terre. Ce droit est basé uniquement sur le travail direct.

Lorsqu'un travailleur utilise les outils d'un autre pendant l'opération de mise en valeur, il doit payer à ce dernier une indemnité dont la valeur est équivalente à celle de la dévaluation que subissent les outils du fait de l'usage. L'État a le droit d'acheter le droit de priorité de l'exploitant, et d'obliger celui-ci à le vendre, s'il estime que la conservation de ce droit porte attente à la justice de la distribution des sources naturelles entre les individus ou à l'équilibre social. Pour acheter ce droit de priorité, il doit payer à l'exploitant l'équivalent de la valeur du travail effectué dans la source naturelle et dont celui-ci est l'ayant droit, soit pour l'avoir mise en valeur lui-même, soit parce qu'elle lui a été transmise de l'exploitant originel par héritage ou indemnisation. Cette valeur doit être estimée selon le critère de la production directe et non pas capitaliste.

Le transfert à la communauté islamique (Umma) du droit de priorité:

Si un individu acquiert, avant sa conversion à l'Islam, un droit de priorité basé sur la mise en valeur d'une source naturelle et que celle-ci, à la suite d'une conquête, tombe aux mains de l'Islam du vivant de l'ayant droit, le droit de priorité de l'exploitant sera transféré à l'Umma pour l'étendue de son existence historique.

Ainsi le droit de priorité devient, à la suite de la conquête ou du Jihâd, un droit public de l'Umma et la terre ainsi conquise s'appelle terre kharâjiyyah(7), sur laquelle aucun droit privé ne pourra être attribué.

Mais si cette terre venait à être détruite et à perdre les aspects de sa mise en valeur, par suite d'une négligence de l'État ou en raison de l'absence du gouverneur légal, un particulier ne pourrait pas, sur la base de la mise en valeur, en acquérir le droit de priorité. C'est l'État lui-même qui doit, au nom de la Communauté islamique (Umma), la remettre en valeur.

En revanche, dans le cas d'une terre mise en valeur par des infidèles se convertissant volontairement à l'Islam et faisant de leur terre, en répondant positivement à l'Appel de l'Islam, un territoire islamique, le droit de priorité acquis par la mise en valeur demeure valable et ne se perd pas à la suite de leur conversion à l'Islam et de la soumission de leur terre au contrôle de l'État islamique.

Les sources naturellement exploitables:

Etant donné que la mise en valeur est la base unique de l'acquisition par les particuliers de droits privés, cela signifie qu'il n'y a pas lieu d'accorder un droit quelconque sur les source naturellement exploitables et effectivement utilisables telles que les forêts naturellement exploitables, les métaux se trouvant à la surface de terre et les terre cultivables en raison de la fertilité de leur sol et de leur proximité de sources d'eau. Aucun droit privé n'est accordé dans ces sites naturels et il est interdit d'y travailler sans la permission de l'Imam (tuteur). En outre le travail s'y effectue à titre d'usufruit et non pas de mise en valeur, ce qui revient à dire que les liens des travailleurs avec le site exploitable sont coupés dès que ceux-là cessent de l'utiliser ou si l'État leur en retire la permission.

Toutes les sources de la richesse naturelle font partie de secteur public. Les particuliers peuvent acquérir sur elles un droit privé d'usufruit, basé uniquement sur le travail qui se traduit par la mise en valeur exercée directement par le travailleur.

RÈGLE 1 :

Toutes les sources de la richesse naturelle font partie du secteur public. Les individus peuvent y acquérir des droits privés d'usufruit, basés uniquement sur le travail qui se traduit par la mise en valeur, c'est-à-dire le travail direct.* * *

2- Les Biens Mobiliers:

Nous avons appelé la deuxième catégorie de richesse naturelles les «biens mobiliers», lesquels sont à la disposition de tous les individus. Leur possession par l'individu - sous toute forme que ce soit: coupage du bois dans la forêt, pêche des poissons et puisage de l'eau dans le fleuve, etc. - est considéré, ainsi que nous l'avons précisé, comme un acte économique et non pas comme un monopole; c'est pourquoi la possession de richesses mobilières est admise comme une justification de la propriété, au même titre que la mise en valeur octroie un droit sur les sources naturelles.

La mise en valeur d'une source naturelle ainsi que la possession d'une richesse mobilière sont considérées comme une activité économique créatrice d'une occasion d'utilisation du bien, et c'est le travailleur qui jouit d'un titre de mise en valeur ou de possession qui est le propriétaire de cette occasion d'exploitation.

Etant donné que la source naturelle est généralement plus grande que la possibilité d'utilisation créée par l'exploitant lors de son action de mise en valeur, l'appropriation de l'occasion d'exploitation ne mène pas à l'appropriation de la source elle-même, laquelle demeure une propriété commune sur laquelle d'autres peuvent eux aussi créer des possibilités d'exploitation qui leur permettent de s'en servir.

Quant au «bien mobilier», cette quantité limitée d'eau, de poissons ou de bois, dont la valeur est pratiquement égale à celle de la possibilité de son exploitation, que crée le travailleur - respectivement par le puisage, le découpage ou pêche -, sa possession (de ce bien) se justifie par le fait d'être acquis (par l'exploitation).

Nous remarquons ici, comme nous l'avons remarqué dans le cas de la mise en valeur, que l'Islam n'admet pas la possession sur un mode capitaliste. Si un individu fournit le capital nécessaire à une opération de possession, en payant à un groupe de pêcheurs leurs salaires et en leur prêtant le matériel de la pêche, il n'acquiert pas, par là, le droit sur la richesse qu'ils obtiennent. Pour une richesse quelconque, tout droit privé et toute propriété privée ne peuvent s'acquérir que par le travail.

Si un bien mobilier se trouve dans les mains d'un individu qui n'a pas effectué un travail ni consenti un effort pour le posséder, il ne saurait être la propriété dudit individu et demeure un bien commun.

RÈGLE 2

Toutes richesse mobilière existant dans la nature devient la propriété de celui qui l'acquiert par son travail, c'est-à-dire par le travail direct. Aucune autre raison ne justifie son appropriation, excepté si le travailleur qui la possède la transmet par héritage ou indemnisation ou tout autre mode de transmission de la propriété.



DEUXIÈME PARTIE

LA PRODUCTION ET LE MODE

DE DISTRIBUTION DE SES PRODUITS

1- La Production et son importance dans l'Économie islamique

L'Économie islamique s'accorde avec toutes les autres doctrines sociales pour souligner la nécessité de s'intéresser de près à la production et de recourir à tous les moyens possibles pour la développer et l'améliorer, et ce fin de permettre à «l'homme - khalife de Dieu sur la terre» de mieux exploiter les bienfaits et les grâces de la terre. Mais en considérant le développement de la production comme un objectif qu'il faut s'efforcer d'atteindre socialement, l'Islam se conforme aux objectifs généraux du «Khilâfah de l'homme sur la terre». Par cela, il diffère foncièrement, quant aux valeurs et au programme qu'il suit, des doctrines sociales matérialistes. Le capitalisme, par exemple, considère le développement de la production comme un objectif en soi, alors que l'Islam ne fait pas de l'accumulation de la fortune un but en soi mais un moyen d'assurer l'aisance et le bien-être, et de permettre à la justice sociale de suivre son cours normal dans la vie des gens, ainsi que l'une des conditions de la réalisation du «Khilâfah de l'homme sur la terre» et de ses objectifs visant à instaurer la société de l'Unicité.

Cette différence conduit à des divergences notables en ce qui concerne l'attitude de l'Islam et des autres tendances sociales vis-à-vis de l'opération de production. Nous allons relever quelques-unes de ces divergences.

1) Les formes que prend l'opération de production et les conditions sociales qu'elle incarne doivent être islamiquement conformes à la dignité de l'homme, à ses valeurs morales et à ses droits naturels en lesquels croit l'Islam. Celui-ci, en effet, refuse catégoriquement la pratique du capitalisme qui consiste à employer et à exploiter des femmes et des enfants sous-payés dans les activités productives et à sacrifier les valeurs éthiques, les liens familiaux et la protection morale de la femme au profit des intérêts de la production capitaliste.

2) La production, dans l'Économie islamique, n'est pas seulement soumise - comme c'est le cas dans la société capitaliste - aux indices de la demande du marché. Ce qui l'anime positivement, avant tout, c'est le désir de rendre les produits vitaux accessibles à tout le monde, et ceci quelles que soient les conditions de la demande sur le marché. Cette attitude est considérée dans la Société islamique comme une obligation que pratiquent tous les individus, au même titre que la pratique des devoirs religieux et actes de dévotion par lesquels ils s'approchent de Dieu. Par contre, l'Économie islamique adopte dans le domaine de la production une attitude négative vis-à-vis des secteurs qui se consacrent aux articles de luxe et de prestige. Ainsi, la production dans la Société islamique est organisée de façon à assurer aux individus toutes les possibilités d'une vie convenable de laquelle ont disparu tous les signes de somptuosité et de prodigalité, ce qui est tout à fait à l'opposé de la Société capitalise où la production, étant mue par la demande et le pouvoir d'achat des consommateurs, tend, en conséquence, à se consacrer aux articles de luxe, aux instruments de divertissement et aux produits de beauté, et à négliger les biens vitaux.

3) La production dans les société capitaliste souffre, dans certains cas, d'une fausse inflation, car elle est soumise à la demande, laquelle ne représente pas (dans la Société capitaliste) la demande du vrai consommateur mais celle de l'acheteur, et celui-ci n'est souvent qu'un de ces nombreux intermédiaires que la Société capitaliste s'ingénie à créer et auxquels elle distribue des rôles divers. Il s'ensuit que la production refabrique la marchandise dès que celle-ci est écoulée parmi les intermédiaires, sans tenir compte ni du besoin réel des consommateurs ni du volume effectif de ce besoin. La production s'accumule ainsi, provoquant des crises qui acculent les capitalistes à arrêter le travail et même à détruire de grands quantités de la marchandise en cause afin de maintenir un certain degré d'équilibre entre l'Offre et la Demande.

Ce gaspillage dans la production trouve son origine dans la tromperie dont sont responsables les intermédiaires, et dans l'existence d'un grand fossé séparant le producteur du consommateur. Ce fossé n'existe pas dans l'Économie islamique qui tend à extirper les rôles parasitaires des intermédiaires et à rapprocher l'une de l'autre, les opérations de production et de consommation. C'est pourquoi la production se trouve, dans la Société islamique, immunisée contre les problèmes - objectivement injustifiables - de l'accumulation de marchandises, et orientée de façon à assurer la satisfaction des besoins réels de la société.

RÈGLE 3 :

La production est au service de l'homme et non le contraire.

* * *

2- La Production primaire et la Mode de Distribution de ses Produits

Dans toutes opérations de production primaire de la richesse naturelle, deux éléments sont combinés: le travail humain accompli pendant la production et la nature. Car la production n'est pas née du néant, mais c'est l'extraction du métal de la mine, de l'eau du puits, des poissons de la mer, etc. Il y a donc la nature et un travail qui s'y rajoute et la transforme, et cette transformation, c'est la production.

On peut supposer que dans l'opération de la modification de la matière première le producteur utilise des outils et des instruments; il y a dans ce cas, outre la nature concernée par la production et outre le travail humain, un troisième élément :les moyens de production résultant, eux-mêmes, de la nature et d'un travail antérieur.

L'Islam croit, en ce qui concerne la distribution de la richesse résultant de la production primaire, à ce qui suit:

1) La richesse produite est la propriété du travailleur qui l'a produite. C'est une propriété basée sur le travail.

2) Si le travailleur utilise les outils et instruments d'un tiers, celui-ci perçoit de celui-là une indemnisation dont la valeur est équivalente à celle du dommage que subissent ses outils suite à l'usage qui en est fait au cours de l'opération de production, mais n'acquiert pas de part dans la richesse produite.

3) La collectivité représentée par l'État a droit à une partie de la richesse produite qu'elle perçoit soit à titre de rétribution due à l'utilisation par le producteur de la source naturelle qui appartient à l'État, comme le kharâj(8) imposé sur la terre, soit à titre d'obligation financière sur la richesse produite, comme le Khoms imposé sur la richesses extraites de la mer ou sur tout profit, après en avoir déduit les munitions de bouche.(9)

Le droit de l'État ou de la collectivité sur une partie de la richesse produite se justifie par leur besoin de couvrir leurs dépenses générales car le besoin, dans l'Économie islamique, est la deuxième base de la propriété.

De ce qui précède on peut remarquer que l'Économie islamique diffère des Économies capitaliste et marxiste. Ainsi, alors que le capitalisme considère le travail humain comme l'un des éléments de la production et qu'il le range au niveau de ces derniers en déterminant l'un et les autres en fonction de l'offre et de la demande, l'Islam, loin d'avoir une telle conception, fait du travailleur l'axe de la production et l'ayant droit et relègue les autres éléments - les outils et les instruments de production et les capitaux - aux rang d'auxiliaires au service du travailleur et de son objectif; ils ne confèrent pas à leurs propriétaires de droits sur la richesse que le travail a produit, mais uniquement un droit à une indemnité de louage payable par le travailleur-producteur. Quant au marxisme, il considère le travail comme la base de la plus-value dans la richesse produite, et la plus-value comme la propriété du travailleur qui l'a lui-même créée. Pour le marxisme, la collectivité n'a pas de droit sur une partie de la richesse produite, puisque'elle ne participe pas à la création de la plus-value; un tel droit ne se justifiant pas par conséquent.

D'aucuns avaient tenté de justifier la propriété de la collectivité en considérant que celle-ci participe à la création de la plus-value par sa pratique historique et ses expériences successives qui sont antérieures au travailleur-producteur et qui lui sont transmises héréditairement ou socialement en contribuant à la formation de sa compétence en matière de productivité.

Mais on peut réfuter cette explication en faisant remarquer que les expériences historiques de la collectivité constituent certes un travail humain mais que ce travail n'est pas absorbé par la richesse produite. Car ce sont des expériences qui ne sont pas diminuées ou consommées par la richesse produite et qui ne s'y mêlent pas. Or le travail ne crée la plus-value que s'il est incarné dans la richesse produite, c'est-à-dire à la condition que celle-ci l'anéantisse et l'absorbe, et le travail ainsi anéanti et absorbé ne représente que l'effort déployé par le travailleur-producteur pour accomplir l'opération de production ou pour se préparer à l'accomplissement de cette opération.

Ainsi, seule l'Économie islamique de par sa nature humaine, fondée sur la croyance que Dieu est le Propriétaire général de l'Univers et que l'homme y est Son mandataire, peut justifier le partage de la richesse produite entre l'individu et la communauté, conformément à la logique du Coran.

Il ressort de ce qui précède que l'Islam désapprouve le système capitaliste de la production primaire et refuse l'acquisition d'un droit sur l'article produit selon ce système qui permet à un créancier de payer des salaires et de fournir les outils nécessaires à des travailleurs afin qu'ils entreprennent une opération de production d'un article dont la valeur devient propriété du créancier après déduction des salaires.

Il y a un seul cas où l'opération de production capitaliste n'est pas, selon certains faqîh (jurisconsulte), totalement abolie par la législation islamique: il s'agit du cas du contrat de plantation en vertu duquel le propriétaire de la terre conclut un accord avec le cultivateur qui possède les graines et partage sa récolte.

Il y a, toutefois, des éléments variables dans l'Économie islamique qui incitent à l'interdiction de ce genre de contrats, et qui s'appuient, pour ce faire, sur un hadith du Prophète, d'après lequel il est interdit d'exploiter la terre selon le mode capitaliste et que le propriétaire d'une terre doit choisir entre deux solutions: la cultiver lui-même ou permettre à un autre d'en bénéficier sans contrepartie.

En incluant un tel élément variable conformément aux pouvoirs du faqîh, la forme de l'Économie islamique se complète de ce côté et se débarrasse de toutes les formes de la production capitaliste.

RÈGLE 4 :

Dans l'Économie islamique, la répartition de la richesse produite lors de la production primaire se fait sur deux bases: le travail et le besoin. Toutes les formes de production capitalise en sont ainsi éliminées.

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3- La Production secondaire et son Mode de Répartition

Nous allons maintenant étudier la production secondaire et son mode de répartition, dans le cas de deux sociétés différentes.

Le premier cas: c'est le cas d'une société dans laquelle l'opération de répartition primaire des sources de la richesse naturelle ainsi que les opérations de production primaire et des répartition de ses richesses produites ont été effectuées selon les règles déjà définies de l'Économie islamique.

Le seconde cas: c'est le cas d'une société dans laquelle ces différentes opérations n'ont pas été accomplies selon les exigences et les lignes générales de l'Économie islamique, ce qui a conduit à l'apparition de grands écartes entre les membres de la société en ce qui concerne la propriété ainsi qu'au déséquilibre social.

1) Dans le premier cas, toute opération de production secondaire signifie - selon la définition déjà donnée - qu'on veut développer un article déjà fabriqué lors de la production primaire, et qui est devenu la propriété du fabricant qui l'a produit - en vertu de la règle qui fait du travail la base de la propriété. En d'autres termes, il s'agit d'une opération de transformation du coton en papier, du bois en lit, du fer en instrument, etc. Cette opération de transformation s'appelle production secondaire.

Dans ce domaine, l'Islam n'autorise pas que la transformation de l'article en question se fasse indépendamment de la volonté du premier individu qui l'a possédé par son travail, car, ayant reconnu le premier travailleur comme propriétaire de la richesse qu'il a réalisée lors de la production primaire, il est normal qu'il lui donne le droit d'en disposer comme il veut.

L'Islam diffère donc du marxisme en ceci que ce dernier ne reconnaît pas au travailleur de la production primaire le droit d'être seul propriétaire de la richesse qu'il a réalisée, mais qu'il lui reconnaît seulement le droit d'être propriétaire de la valeur d'échange qu'il a créée, c'est-à-dire de la valeur de la transformation de la graine en coton. Autrement dit, si un deuxième travailleur transforme ce coton en papier et, de ce fait, augmente sa valeur d'échange, il devient le propriétaire de la nouvelle valeur.

Cette conception marxiste qui consiste à limiter la propriété du travailleur à la seule valeur d'échange qu'il crée et non à la richesse dans son ensemble est erronée, puisqu'elle suppose que la valeur d'échange résulte dans sa totalité du travail, étant donné qu'elle stipule que le travailleur de la production primaire possède toute la valeur d'échange effective de l'article et que le travailleur de la production secondaire possède la valeur ajoutée que lui confère cette production.

Or, il est juste de considérer que la valeur d'un article est déterminée par son utilité et par sa rareté naturelle et que sa valeur augmente proportionnellement à la quantité de travail qu'il exige, car il s'agit là d'un facteur qui affecte sa rareté naturelle.

Toutefois, nous pouvons remarquer que la rareté naturelle de la quantité d'or dans le monde par rapport à celle de l'argent rend le premier métal plus cher que le second, bien que sa production ne nécessite pas plus de travail. Il y a donc une rareté qui émane de la nature et de la quantité de travail que nécessite la production et une autre rareté qui a pour origine les conditions naturelles elles-mêmes. Les deux types de rareté participent donc à la détermination de la valeur d'échange. Par conséquent, si nous limitons la propriété du travailleur à la valeur qu'il crée, cela ne justifierait pas sa possession de l'intégralité de la valeur d'échange qu'il a produite.

Ainsi, l'Islam considère qu'il est erroné de limiter le résultat du travail à la possession de la valeur d'échange et qu'il est plus juste de faire du travail la base de l'appropriation de la richesse, ce qui signifie que le producteur du coton devient le propriétaire de la matière qu'il s'est approprié par son travail productif, et non pas seulement de la valeur de marché qu'il lui a donnée. Dans un tel cas, c'est le travailleur, producteur du coton, qui conserve l'initiative de la production secondaire et qui peut théoriquement effectuer lui-même celle-ci, pour confirmer ainsi sa possession intégrale de l'article. Mais il peut également autoriser un autre travailleur à se charger de la production secondaire, auquel cas, il peut soit partager avec lui la valeur de l'article produit - sur la base d'une indemnité - soit lui payer en salaire équitable pour compenser son travail. Et c'est à l'État qu'il appartient de définir les modalités de tels accords pour en éliminer toute velléité de monopole.

Et évaluant la valeur du travail selon la base d'un pourcentage du prix de l'article ou d'un salaire fixe, l'État doit faire abstraction de la rareté artificielle provoquée par le monopole, telle qu'on la rencontre dans les sociétés capitalistes. Dans ces sociétés, les matières premières sont accaparées par les capitalistes pour en faire des denrées rares dans le marché de la production secondaire alors que le travail devient une marchandise abondante puisque, d'une part, le monopole n'y intervient pas parallèlement à son intervention qui avait provoqué la rareté des matières premières et que, d'autre part, le travailleur a besoin d'offrir ses services sur le marché à n'importe quel prix qui lui assure le minimum nécessaire pour survivre.

Avec l'élimination de la rareté artificielle provoquée par le monopole apparaît la valeur réelle du travail et disparaissent, progressivement et d'une façon naturelle, les traces de la production capitaliste dans les opérations de production secondaire où est réalisée la plus grande partie du bénéfice capitaliste, grâce au facteur de la rareté artificielle que provoque le monopole et qui confère au capital une part, dans l'article produit, largement supérieure à celle du travail effectué pour sa production.

Il est à noter à cet égard que, dans l'Économie islamique, les conditions de production primaire et de répartition de la richesse qu'elle engendre, empêchent l'apparition des symptômes du capitalisme et de ses contradictions dans le domaine de la production secondaire. Car l'individu ne peut acquérir ni de grandes quantités de matières premières ni de grandes sommes d'argent susceptibles de servir à en acheter dans le marché, ce qui lui ôte toute possibilité de créer un monopole et de pratiquer un mode de production capitaliste.

La grandeur de l'Islam s'affirme donc en ceci qu'il conçoit la société de façon à l'immuniser, dès le début, contre les symptômes de l'exploitation capitaliste et de l'enrichissement aux dépens des autres, tout en conservant au travailleur son droit naturel de disposer de la richesse qu'il produit.(10)

Quant aux instruments et moyens de production qui sont utilisés dans l'opération de la production secondaire, leur rôle est tout à fait identique à celui qu'ils jouent dans l'opération de production primaire, c'est-à-dire qu'ils ne permettent pas d'acquérir le droit de propriété sur l'article produit mais qu'ils sont considérés comme «serviteurs» du producteur et doivent être indemnisés en tant que tels.

Dans l'Économie islamique, d'une manière générale et théoriquement, l'évaluation du prix du louage des moyens de production se fait sur la base de l'indemnisation de l'usure subie par l'outil. C'est pourquoi l'Islam refuse la rétribution prélevée par les capitalistes-usuriers sous le couvert d'intérêts, étant donné que le capital monétaire ne subit aucun dégât lorsqu'il est prêté puis rendu intégralement.

Si le prix des capitaux en nature, tels que les instruments et les outils de production est très élevé dans les sociétés capitalistes, c'est à cause de la rareté artificielle que crée le monopole capitaliste autour de ces instruments. C'est pourquoi l'État islamique, qui rejette le monopole sous toutes ses formes, doit s'orienter vers l'élimination d'une telle rareté artificielle afin de limiter les prix des moyens de production.

2) Passons au second cas, c'est-à-dire celui d'une société qui n'a pas suivi les directives de l'Économie islamique lors de la production primaire. Nous y rencontrons des individus qui ont pu, à travers les circonstances exceptionnelles des opérations de la distribution précédente, bénéficier de situations monétaires qui leur permettent d'accaparer de grosses quantités de matières premières de la production secondaire, soit directement, soit en les achetant aux producteurs, ce qui ne manquerait pas d'exposer les opérations de production secondaire à toutes les formes d'exploitation capitaliste, en laissant le monopole des matières premières entre les mains de quelques individus qui imposeraient leurs volonté aux travailleurs de la production secondaire.

Dans ce domaine, l'État doit intervenir pour combattre ce monopole et pour l'empêcher d'affecter les prix et ce, en fixant ceux-ci. Il doit également rétablir l'équilibre social en recourant au secteur public et en limitant l'activité des entreprises privées de la production secondaire de façon à les empêcher de contrôler la vie économique et d'entraver les principes de la justice sociale islamique.

RÈGLE 5

Tout bien qui est l'objet d'une opération de production secondaire, demeure la propriété du travailleur qui l'a possédé du fait de son travail lors de la production primaire et tant qu'il n'existe pas, entre le propriétaire originel et tout autre individu, un accord qui modifie ce statut.

RÈGLE 6

L'État doit fixer le prix du louage des moyens de production ainsi que le montant de la rémunération du travail et s'acheminer vers l'élimination du facteur de la rareté artificielle provoquée par le monopole.

RÈGLE 7

Chaque fois que l'équilibre social se trouve menacé, dans des circonstances exceptionnelles, par les facteurs que nous avons mentionnés plus haut, l'État doit prendre conformément à ses pouvoirs, les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir cet équilibre.

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TROISIÈME PARTIE

L'ÉCHANGE ET LA CONSOMMATION

(ou LA GESTION DES BIENS)

1- L'Échange:

Le phénomène de l'échange dans les sociétés humaines provient du fait que, même au sein des société les plus élémentaires, l'individus ne peut habituellement pas couvrir par la production directe tous ses besoins de consommation, ni consommer tout ce qu'il produit. Dès lors est née la tendance à la répartition du travail et à la spécialisation. Les membres de la société se sont rendu compte des vertus de la répartition et de la spécialisation et de leurs effets positifs sur la bonification et l'amélioration continuelles du travail. L'homme commence, en vertu de la répartition du travail, à produire un article donné en quantités supérieures à ses besoins afin qu'il puisse l'échanger contre d'autres articles dont il a besoin et qui sont produits par d'autres individus.

Au début, l'échange se faisait sous forme de troc: le producteur d'un article donné en offrait le superflu à un autre producteur contre d'autres articles produits par ce dernier et dont il avait lui-même besoin. Ainsi, les deux contractants d'un accord de troc étaient à la fois producteurs et consommateurs; en d'autres termes, la production était équilibrée par une consommation équivalente.

D'autre part, le producteur n'avait pas intérêt à conserver en nature la richesse qu'il produisait, car, d'une part, tout article se dévalorise avec le temps et, d'autre part, pour satisfaire ses autres besoins de consommation, l'homme devait soit les produire lui-même, soit en produire d'autres pour les troquer contre ce dont il avait besoin. Autrement dit, la production était uniquement un moyen de satisfaire les besoins.

Quant au troc lui-même, il n'est pas un moyen de gagner ce dont on a besoin, mais seulement un moyen d'échange pour obtenir ce dont on a besoin, ce qui veut dire qu'il ne procure pas à l'individu une nouvelle richesse, mais lui assure la satisfaction de ses besoins en lui offrant la possibilité d'échanger la part de sa production dont il n'a pas besoin contre ce dont il a besoin des produits des autres.

Trois phénomènes dominent donc l'opération de l'échange à l'ère du troc. Ce sont schématiquement:

1) La production était indissociable de la consommation.

2) L'accumulation continuelle des produits n'était pas possible.

3) L'échange lui-même ne permettait pas à l'individu de réaliser un gain.

L'apparition de la monnaie - comme instrument général d'échange et de détermination des valeurs des articles - a affecté beaucoup ces phénomènes. Ainsi, en ce qui concerne le premier d'entre eux, le producteur eut désormais la possibilité de vendre son produit contre de l'argent et d'ajourner l'achat d'un autre article destiné à sa consommation. La production, par conséquent, se trouvait dissociée de la consommation.

En ce qui concerne le second phénomène, on a constaté qu'il est souvent possible de mettre son argent de côté, sans risque de le voir se dévaluer. La monnaie devient donc un moyen d'épargne et de thésaurisation; la possibilité de monopoliser est, par conséquent, acquise.

Quant au troisième phénomène, dorénavant l'opération d'échange offre elle-même des possibilités de gain. Car il suffit à l'homme d'avoir assez d'argent pour qu'il puisse acheter une grande quantité d'un article et la revendre par la suite à des prix monopolistes, réalisant ainsi un nouveau gain qui résulte des deux opérations d'achat et de vente indépendamment de toute production de richesse réelle. Pis encore, la monnaie elle-même, par les pouvoirs qu'elle a acquis dans la vie économique, est devenue un article demandé non pas pour la consommation, mais pour l'investissement. Ceux qui ont pu se procurer de grosses sommes d'argent se sont appliqués à l'accaparer pour le «vendre» à crédit à une valeur supérieure. D'où la naissance de l'usure et l'ouverture de marché capitalistes de prêts usuraires.

L'Islam considère que cette déviation de la société - dans le domaine de l'échange - des trois phénomènes originels que nous venons d'exposer, menace la sécurité de la société, met fin à son équilibre social et détourne les opérations économiques de leur but naturel. Pour cette raison l'Économie islamique est en mesure de mettre au point, grâce à ses éléments variables et immuables, une politique capable d'éviter cette déviation par tous les moyens appropriés. Elle a également dénoncé l'usure et prohibé catégoriquement l'intérêt. Car l'intérêt provenant des prix monopolistes de l'argent n'est pas un rétribution du dommage subi pendant le travail. Lorsque vous utilisez la charrue que vous louez, vous usez une partie de la capacité de travail qu'elle possède et qu'elle aura perdue quand vous la rendez à son propriétaire. Il est donc naturel de payer à celui-ci une rétribution convenable. Mais lorsque vous empruntez une somme d'argent pour financer un projet et que vous la rendez par la suite à votre créancier, l'argent reviendra chez son propriétaire sans avoir perdu de sa valeur pendant son utilisation. La rétribution - ou l'intérêt - n'est donc ici que l'expression du prix monopoliste de la monnaie. L'Islam a également prohibé la thésaurisation et l'accumulation de la monnaie.

Dans de nombreux cas il a imposé des impôts sur l'argent thésaurisé, pour que celui-ci ne se détourne pas de son rôle naturel de moyen de facilitation de l'échange entre les produits, vers un rôle monopoliste servant de moyen d'accumuler et de monopoliser la richesse et d'en décider par conséquent le prix.

Aussi l'Islam s'est-il acheminé vers l'abolition des opérations parasitaires de l'échange, lesquelles dissocient la production de la consommation, et vers l'interdiction de la vente d'une marchandise avant de l'avoir possédée. Il a donné au métier de commerçant un sens qui implique le travail et l'effort, et n'a pas autorisé l'individu à acheter une utilité à un prix pour la revendre à un prix supérieur s'il n'a pas effectué un travail qui justifie cette augmentation.

Dans les éléments immuables de l'Islam, se trouve un texte fort explicite à cet égard, concernant les utilités. Mais il est probable qu'il n'y ait pas un texte similaire concernant l'échange des articles et des biens, car ce type d'échange signifiait habituellement le travail et l'effort dont il ne pouvait pas se passer dans les circonstances historiques contemporaines de la période de la promulgation de la législation islamique. L'opération commerciale était, en effet, indissociable, à cette époque-là, des opérations du transport de l'article, de sa mise à la distribution de l'acheteur dans un endroit convenable, de son emmagasinage et de sa conservation. C'est pourquoi nous avons fait remarquer dans le livre précédent que l'Imam Amir al-Moumine 'Alî avait défini l'identité des commerçants comme suit: «Ils sont les origines des profits et la source du confort. Ce sont eux qui les (marchandises) apportent des pays les plus lointains et les plus reculés sur la terre et sur la mer, dans tes plaines et dans tes montagnes, et là où d'autres hommes n'oseraient pas les rechercher».

Pour cette raison, l'Économie islamique, en ce qui concerne l'échange des articles et des biens, doit s'orienter grâce à ses éléments mobiles vers la même direction qu'avaient suivi les éléments immuables dans le domaine de l'échange des utilités.

RÈGLE 8

Il est interdit d'amasser et thésauriser l'argent.

RÈGLE 9

Il faut s'orienter vers l'interdiction de tout gain résultant des prix monopolistes de l'argent, y compris des intérêts usuraires.

RÈGLE 10

La politique économique de l'État islamique est orientée vers la réduction du fossé séparant le producteur du consommateur et tend à éliminer de l'opération de l'échange, la possibilité de gain qu'elle pourra offrir indépendamment de la production et du travail.

2- La Dépense des Biens:

De même que l'Islam a posé des restrictions sur l'échange des biens, il a également restreint la dépense relative à la satisfaction des besoins en prohibant le gaspillage. La prohibition du gaspillage et des prodigalités représente, en fait, une limitation quantitative des dépenses de la vie. Dans la société islamique, personne n'a le droit de dépasser les limites habituelles de niveau de vie en vigueur. Le dépassement de ces limites est considéré comme des prodigalité que l'État doit interdit.

C'est là une des deux mesures que prend l'Islam pour éliminer les grands écarts entre les niveaux de vie. La seconde mesure est celle qui vise à relever le niveau de vie des pauvres pour atteindre la moyenne générale du bien-être. Par ces deux mesures l'Islam tend à réaliser un équilibre social entre les niveaux de vie de tous les membres de la Communauté malgré la différence de leurs revenus.

Ainsi, les prodigalités, tel que nous venons de le voir, sont relatives et varient selon le degré du bien-être général de la société: plus ce degré est élevé, plus les dépenses nécessaires pour atteindre le seuil des prodigalités augmentent. C'est dire que ce qui est considéré comme prodigalités dans une société donnée ne le serait pas dans une autre société ayant un niveau de bien-être supérieur. Quant au gaspillage, l'Islam propose, pour y pallier, une limitation qualitative des dépenses. C'est pourquoi il n'autorise pas la dépense en vue de satisfaire des caprices inadmissibles et des désirs considérés comme frivoles par la norme islamique, tels que l'élevage des chiens, les jeux et d'autres enfantillages.

Tout en interdisant à l'individu les différentes formes des prodigalités et du luxe, l'Islam a encouragé en revanche le fidèle à offrir ce qui excède ses besoins raisonnables à la communauté et à la cause de Dieu. Dieu - Il est Élevé - a dit ce propos:

«Ils t'interrogent au sujet des aumônes; dit: Donne votre superflu».

Il est imposé également aux individus la responsabilité de la solidarité sociale en obligeant tous les nantis de la société islamique à y subvenir aux besoins de nécessiteux et à prendre en charge les pauvres et les invalides.

Pour faciliter l'application de ces mesures, l'Islam a recouru à l'éducation spirituelle et doctrinale en vue de créer un terrain approprié. En d'autres termes, il s'efforce de détourner l'homme de sa tendance à la dépense effrénée pour se désirs, ses caprices et pour un style de vie somptueux, et de le réorienter vers des préoccupations se rapportant aux grands problèmes de l'humanité et aux responsabilités que lui confère le «Khilâfah de l'homme sur terre».

L'éducation islamique, unique en son genre, a pu ainsi créer une atmosphère spirituelle et un terrain intellectuel propices à cette transformation grandiose dans l'orientation de la dépense, ses raisons et ses objectifs, à tel point que l'Islam s'est vu contraint de fixer des limites à la dépense pour la cause de Dieu, ceci afin d'empêcher les fidèles de consacrer tout ce qu'ils possèdent à cette cause. En effet, Dieu dit à cet égard:

«Dépensez vos biens dans le chemin de Dieu; ne vous exposez pas, de vos propres mains, à la perdition. Accomplissez des oeuvres bonnes; Dieu aime ceux qui font le bien».

Dieu dit également:

«Ne porte pas ta main fermée à ton cou et ne l'étends pas non plus trop largement, sinon te tu retrouverais honni et misérable».

RÈGLE 11

Le niveau de vie de l'individu ne doit pas dépasser de beaucoup le niveau du bien-être général de la société. L'État doit en faire l'évaluation et prendre les mesures nécessaires pour empêcher les prodigalités.

 

QUATRIÈME PARTIE

LES RESPONSABILITÉS GÉNÉRALES

DE L'ÉTAT

On peut limiter les responsabilités de l'État islamique dans la vie économique de la société à deux grandes lignes:

1- Appliquer les éléments immuables de l'Économie islamique.

2- Formuler les éléments mobiles selon les conditions de la réalité sociale et à la lumière des indications islamiques générales que nous avons mentionnées et détaillées précédemment.

De ces deux grandes lignes se ramifient en de nombreuses responsabilités secondaires telles que les responsabilités de la sécurité sociale et de l'équilibre social, la responsabilité de prendre un soin particulier du secteur public et de l'exploiter à fond, de contrôler l'ensemble de l'activité productive dans la société et de présenter les directives nécessaires à cet égard afin d'éviter les problèmes de l'anarchie dans la production et de mettre au point une politique économique visant à développer le revenu total de la société dans le cadre des formules législatives qui sont du ressort du juge légal, et enfin la responsabilité de protéger les vraies valeurs de l'échange des marchandises et des différentes formes du travail en luttant contre le monopole dans tous les domaines économiques.

La responsabilité de la sécurité sociale s'appuie essentiellement sur la croyance de l'Islam dans le droit de toute la communauté de bénéficier des richesses naturelles. De ce droit naît la responsabilité directe de l'État de garantir à tous les membres de la société un niveau de vie convenable, ceci en offrant la possibilité de travail à tous ceux qui sont à même de travailler et en prenant en charge les invalides et ceux qui ne trouvent pas de travail.

Le crédit alloué par l'Islam à la sécurité, afin de permettre à l'État de s'acquitter de ses responsabilités à cet égard, est représenté - en plus des obligations fiscales imposées aux individus, telles que le Zakât et le Khoms - par le secteur public que l'Économie islamique crée et dont les fonds doivent subvenir, sur ordre du mandataire, aux besoins des nécessiteux de la société. Dieu dit à ce propos:

«Vous n'avez pas fourni ni chevaux, ni monture pour vous emparer du butin pris sur eux et que Dieu destine à Son Prophète. Dieu donne pouvoir à Ses prophètes sur qui Il veut. Dieu est Puissant sur toute chose». (Coran, 59 : 8)

«Ce que Dieu a octroyé à Son Prophète comme butin pris sur les habitants des cités appartient à Dieu et à Son Prophète, à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, aux voyageurs afin que ce ne soit pas attribué à ceux d'entre vous qui sont riches. Prenez ce que le Prophète vous donne, et abstenez-vous de ce qu'il vous interdit. Craignez Dieu! Dieu est terrible dans Son Châtiment». (Coran, 59 : 7)

Quant à la responsabilité de l'équilibre social, elle signifie:

1- Assurer un minimum d'aisance et de bien-être à tous les membres de la société en élevant les bas niveaux de vie au niveau de ce minimum.

On attribue à l'Imam Mûsâ ibn Ja'afar les propos suivants sur la définition de la responsabilité du wâli(11) sur les fonds du Zakât: «Le wâli doit diviser ces fonds, conformément aux indications de Dieu, en huit parts, et les distribuer entre les pauvres et les indigents de façon à ce que rien ne leur manque durant toute l'année. S'il en reste un surplus, le wâli le garde; mais si les fonds distribués s'avèrent insuffisants, il doit dépenser de sa caisse pour couvrir tous leurs besoins».

Ce texte indique avec précision que l'objectif final que l'Islam tente de réaliser - en en confiant la responsabilité au Mandataire - est d'élever le niveau de vie de tous les individus de la société.

2- Limiter les dépenses et interdire de dépasser largement le niveau de vie convenable de bien-être que l'on peut assurer à la société, conformément à la Règle 11.

Ces deux mesures sont à même de réaliser l'équilibre social en matière de niveau de vie.

3- Empêcher la monopolisation de la richesse et l'entassement des biens chez une couche particulière de la société, et s'efforcer de créer des possibilités de travail et de production pour tous.

Il apparaît donc, à la lumière des règles de l'Économie islamique que nous venons de souligner que le développement naturel de la société islamique dans le cadre d'une économie saine, ne permet pas l'apparition du phénomène de monopole et d'accumulation que l'on voit dans la société capitalise et qui polarise la vie économique.

C'est donc par une application saine des règles de l'Économie que l'État parvient à prévenir les symptômes de ce phénomène et à préserver l'équilibre social. Mais si ce phénomène venant à disparaître en raison d'une erreur d'application de ces règles lors d'une étape antérieure, l'État, conformément à ses pouvoirs, doit prendre les mesures nécessaires pour rétablir l'équilibre social. C'est ce qu'à fait le Saint Prophète de l'Islam lorsqu'il y a eu une défaillance dans l'équilibre social à Médine où une grande disparité et un grand écart s'étaient creusés entre le niveau financier relativement bon des Partisans et celui, beaucoup plus faible, des Emigrés qui s'étaient exilés de leur gré, laissant leurs maisons pour la plupart et leurs biens à l'ennemi. Le Saint Prophète de l'Islam a pris alors des mesures pour rétablir l'équilibre en ordonnant à ceux dont les revenus et la situation économique étaient au-dessus de leurs besoins, d'en dépenser le surplus pour les autres. Le secteur public joue un grand rôle dans ce domaine.

En ce qui concerne la responsabilité de l'État de prendre un soin particulier du secteur public, elle provient du fait que ce secteur représente un dépôt confié à l'État qui doit le protéger et réaliser les objectifs divins expliqués dans le verset d' «Al-Faï». Le mandataire est donc tenu de veiller sur ce secteur et de recourir aux moyens scientifiques les plus modernes pour le développer, le réformer et pour augmenter le niveau de sa productivité au point de devenir une grande force capable d'acheminer la vie économique vers ses objectifs islamique avisés.

L'extrait (ci-dessous) de la lettre que l'Imam 'Alî, Commandeur des croyants, adressée à Mâlik al-Achtâr qu'il venait de nommer gouverneur de l'Égypte, demeurera un exemple vivant de cette vérité: «Que ton intérêt pour l'exploitation des terres soit encore plus grand que pour le recouvrement de l'impôt...».

La responsabilité de contrôler l'ensemble de l'activité productive émane de l'obligation d'appliquer la politique islamique dans le domaine de la production et de garantir la production des articles de première nécessité de façon à satisfaire les besoins de toute la communauté sans gaspillage dans la production. Car de même qu'il est défendu à l'individu de gaspiller dans ses dépenses, de même il est interdit à la société de gaspiller dans les siennes.

Il est évidant que si l'opération de production n'est pas fondée sur un axe susceptible de l'orienter et si elle n'est pas basée sur des statistique scientifique précises, elle tend au gaspillage à cause de la qualité ou de la quantité de l'article produit. Aussi, la mise au point d'une politique économique de développement économique et d'augmentation du niveau de la production est considérée comme un devoir de l'État dans les limites de ses pouvoirs. Car la force économique devient l'une des plus grandes forces sociales dont dépendent la puissance de la société et sa résistance sur la scène internationale. Dieu a dit:

«Préparer, pour lutter contre eux, tout ce que vous trouverez de forces et de cavaleries, afin d'effrayer l'ennemi de Dieu et le vôtre en dehors de ceux-ci, mais que Dieu connaît».

Ce verset ne vise pas ici la force militaire seulement, mais toute force, notamment économique, susceptible de donner à la communauté une image qui inspire la crainte chez les sociétés jahilites qui la guettent et conspirent contre elle.

Quant à la responsabilité de l'État dans la sauvegarde des vraies valeurs de l'échange de articles et de différentes formes de travail, elle émane du principe selon lequel la vraie valeur d'échange provient de l'utilité de l'article pour le besoin de l'homme et du facteur de la difficulté du travail, car plus l'article exige de travail ou plus il exige d'efforts difficiles et plus le degré de sa rareté augmente. Entre également dans ce facteur la quantité naturelle de la matière dans le monde, car l'or peut avoir plus de valeur que l'argent tout simplement parce que, dans la nature, les mines d'or sont plus rares que les mines d'argent.

En ce qui concerne le facteur de la rareté créée par le monopole et la mainmise de individus sur le niveau de l'offre et de la demande, il contribue à la détermination du prix effectif de l'article (ou du salaire effectif du travail); mais il s'agit d'un prix artificiel qui ne correspond pas à la valeur d'échange définie objectivement; autrement dit, c'est un prix à la formation duquel la volonté de l'homme d'exploiter les autres est intervenue.

Ainsi, l'Islam distingue entre la valeur et les prix effectifs. L'État sous l'Islam doit s'efforcer, dans les différents domaines de la vie économique, de préserver aux articles et aux formes du travail leur valeur d'échange réelle déterminée par l'utilité et le facteur de la rareté naturelle et d'empêcher les prix du marché de dévier de ces valeurs (que ce soit dans le sens de la hausse ou de la baisse), déviation qui pourrait avoir pour cause la rareté artificielle créée par les monopoles et les monopolisateurs.

L'Imam Amir al-MouminineAli a écrit à propos des commerçants à Mâlik al-Achtâr: «Tu dois savoir, cependant, que beaucoup d'entre eux sont d'une dureté inhumaine et d'une avarice sordide, qu'ils accaparent les profits et sont impitoyables en affaires, ce qui peut nuire au petit peuple et discrédite les gouvernants. Tu doit interdire l'accaparement, car le Messager de Dieu (que le Seigneur le bénisse ainsi que sa famille) l'a interdit. Que les ventes se fassent équitablement, avec des poids justes, et à des prix qui ne lèsent ni le vendeur ni l'acheteur. Quiconque se sera rendu coupable d'accaparement, après ton interdit, punis-le pour l'exemple et châtie-le sans excès».

RÈGLE 12

L'État doit appliquer les éléments immuables de l'Economie islamique et en préciser les éléments mobiles conformément aux indications générales de l'Islam

Règle 13 :

En appliquant les éléments immuables et les éléments mobiles, l'Etat doit réaliser :

1) La sécurité sociale garantissant un minimum de bien-être à tous les membres de la société.

2) Un équilibre social dans le niveau de vie, en rapprochant les différents revenus et en empêchant le monopole et l'entassement des biens.

3) Une exploitation maximale du secteur public, tout en mettant au profit une politique générale de développement économique.

4) Un travail constant tendant à ramener les prix des articles et les formes du travail vers leurs valeurs d'échange réelles, en résistant au monopole dans tous les domaines de la vie économique.

* * *

A la lumière de ce qui précède dans ce livret et dans le livret précédant, vous pouvez vous faire une idée précise de la vie des fidèles dans la Société islamique, de la justice et du bien-être qu'elle comporte, des objectifs et des valeurs grandioses qui l'animent, et enfin de cette foi qu'elle implique et qui forge le vrai révolutionnaire.

Concluons cet exposé par quelques phases de Prières de l'Iftitah, qui incarnent l'image grandiose de la société islamique, sous forme de prière et d'invocations adressées à Dieu et l'implorant de faire réapparaître l'Imam al-Mahdi, afin que celui-ci réalise l'application de cette image et applique les principes de l'Islam dans la réalité de la vie:

Seigneur,

rassemble, par sa réapparition nos débris,

colmate notre brèche,

efface notre humiliation, satisfait notre besoin,

acquitte notre dette,

pallie à notre pauvreté,

comble-nous de ce qui nous manque

lève nos difficultés

libère-nous de notre captivité,

accomplis nos promesses,

satisfais à notre demande et exauce

nos espoirs dans ce bas monde et dans l'au-delà,

O Toi, le Meilleur Responsable

et le Plus Généreux des donateur!

Najaf, 10 Rabï al-thani, 1399 (hégire)

Sayyed Mohammad Baqr al-Sadr

 

TERMES TECHNIQUES ISLAMIQUES

- Ançar (sing. Ançârî): les Partisans (les Médinois qui ont soutenu le Prophète lorsqu'il a émigré à Médine)

- (al) hâkim al-char'î (m.): le gouverneur légal (gouverneur qui jouit d'une légitimité islamique pour exécuter ou prendre des décision conformes à la Loi).

- (al) Char'a (f.): la Loi islamique, la Législation islamique révélée.

- hemâ (m.): (équivalent approximatif en français: protectorat): le fait de s'approprier ou de contrôler une source naturelle, une richesse naturelle, un terrain, etc. par la simple mainmise et sans aucune autre justification.

- hukm char'î: jugement légal ou statut légal (conforme à la législation islamique).

- ijtihâd (m.): ce mot a pour racine le verbe «jahada» qui signifie faire un effort. Mais le sens courant et effectif est le fait de déduire (par un effort soutenu) des décrets et des jugements islamiques à partir des sources de la Loi (la Charî'ah).

- Khalîfah (m.): le Mandataire de Dieu sur terre, c'est-à-dire l'Homme à qui Dieu a confié le Mandat de gérer la terre.

- Khilâfah (f.) (sens courant Califat, dignité de Calife): Mandat que Dieu a donné à l'Homme (à travers ses prophètes) pour le représenter sur la terre, laquelle appartient, ainsi que tout ce qu'elle contient, à Dieu.

- (al) Muhâjirîne (m. plur.; sing. Muhâjîr): Émigrés (les Mekkois qui ont émigré à Médine avec le Prophète).

- mujâhidîne (m. plur.; sing.: mujahid): les militants musulmans, les soldats de l'Islam (cf. jihâd)

- Mujtahid (m.): celui qui pratique l'ijtihad (voir ce mot), c'est-à-dire celui qui est capable, grâce au degré de ses connaissances en la matière, de déduire les décrets religieux à partir des Textes de la Loi islamique.

- raqabat al-mâl (f.) (sens littéral: la nuque d'un bien): la nue-propriété.

wali al-amr (m.): le tuteur légal, celui qui a la tutelle de ... (le gouverneur légal).

- walâyat al-amr (f.): dignité de wali al-amr (la tutelle).

- Zakât (f. ou m. en français; f. en arabe): aumône légale, dîme, impôt islamique équivalent à un dixième d'un gain ou d'un produit après déduction des dépenses nécessaires.

 












1. Voir à ce sujet «Khilafa de l'homme et Témoignage des Prophètes», même auteur.

2. Juriste musulman

3. Petit traité dans lequel le mujtahid (savant musulman habilité à interpréter les lois islamique) précise les devoirs, les obligations et les droits des fidèles.

4. Le Zakât et le Khoms : respectivement le dixième et le cinquième des bénéfices nets (après déduction des dépenses nécessaires à la vie) prélevés annuellement comme impôts islamiques.

5. Voir à ce propos «Khilâfah de l'homme et Témoignage des Prophètes», même auteur.

6. Traduction littérale: le col du bien = la nue-propriété

7. Terre appartenant originellement à des infidèles, et devenue propriété de l'Umma à la suite d'une conquête.

8. Une sorte d'impôt

9. Ce qui est nécessaire à l'homme pour subsister.

10. Ceci explique, sans doute, les propos suivants attribués selon Ibrahim ibn Muhammad à l'Imam al-Sadiq et rapportés par Hamma ibn Issa: «Personne n'a jamais pu amasser légalement dix mille dirhams». Ce qui revient à dire que l'Économie islamique, par l'ensemble de ses éléments, est faite de telle sorte qu'elle empêche l'individu d'amasser légalement cette somme d'argent. Notons que celle-ci ne doit pas être considérée comme un montant fixe d'argent, mais comme un bien donné dont la valeur est déterminée par rapport au pouvoir d'achat de l'époque et au total de la richesse de la société.

11. Le mandataire, le juge religieux, l'autorité islamique compétente.